Je
me suis souvent demandé ce que représentait Micha dans cette famille à
l’histoire mouvementée : une figure cubiste, synthèse des anonymes qui
s’étaient succédé comme on se passe le témoin, drainant dans sa vie
aventureuse leurs rêves et leurs espoirs, ou une résurgence du colonel
Henri Chevessand, celui qui lançait sa rage de vivre à travers l’Europe
en guerre. Et lui Micha clamait son défi dans une fuite en avant, un
démenti aux frilosités de sa classe.
Peut-être lui prêtais-je plus de profondeur qu’il n’en avait
vraiment, lui que j’ai découvert par des photos de circonstance, dont
l’une prise à l’occasion de son premier mariage me permit de mettre un
visage sur des noms rencontrés au hasard des correspondances. Lui que
j’ai côtoyé ensuite à travers les nombreuses lettres –on écrivait
beaucoup à son époque- envoyées à sa famille, son père pour l’apaiser,
sa mère pour lui réclamer de l’argent, sa sœur Geneviève pour plaider sa
cause, à des amis ou des correspondants qui me sont restés inconnus.
Curieux art que possédait Micha de s’adapter ainsi à ses
locuteurs : déférent avec son père, jouant le jeune homme respectueux,
jurant de s’amender, requérant ses conseils, dévoué et aimant envers sa
mère, écrivant à "sa petite Ma adorée", prenant des nouvelles de sa
santé, paternel enfin envers sa jeune sœur, lui donnant des conseils
d’un air condescendant. Mais jamais il n’évoquera la vie qu’il menait,
une vie fastueuse avec sa femme Estelle et sa belle-sœur Gabrielle dans
les palaces des villes d’eau où on les voyait souvent. Décalage,
courriers d’objectifs où l’essentiel est de "faire plaisir", de donner
une image valorisante de soi. Duplicité contrôlée, Micha joue au bon
fils mais la famille, pas dupe et réaliste, gagnera finalement.
D’après les mémoires de sa sœur Geneviève, il fut un enfant
plutôt taciturne et solitaire, ‘un beau ténébreux’ sportif que son père
incita à s’engager dans l’armée. Ses accès de violence lui valent d’être
renvoyé de son collège, il s’ennuie, en veut à tout le monde et fugue
plusieurs fois pour ‘découvrir le monde’, finit en désespoir de cause
par choisir l’armée mais, déjà "accro" au jeu, il hante les casinos de
la côte d’Opale. Menacé de prison pour dettes, il préfère l’exil doré de
l’Angleterre. Une nouvelle fois, il promet à son père de s’amender,
demande pardon à sa chère mère qui lui envoie moult mandats dans son
douillet appartement londonien, qu’il s’empresse de dilapider dans les
casinos.
Casinos de la Côte d'Opale
Rien n’y fit, pas même le rappel par son père, de la référence,
la figure tutélaire du colonel Henri Chevessand. A Londres, il se lie
d’amitié avec Andrew, amateur de casinos lui aussi et séduit par
l’allure décontractée, cet air si naturel qui sied si bien aux Français,
tel en tout cas qu’il apparaît dans l’imaginaire anglais. Margerie, la
femme d’Andrew, est elle aussi séduite par le "beau ténébreux" dont elle
devint l’amante et qu’il finit pat enlever. Chevauchée fantastique
jusque dans le Sussex où ils se cachent dans un vénérable manoir au
charme suranné dans cette campagne anglais où son entregent fait
sensation, et vivent une courte lune de miel.
Micha est amoureux et pour Margerie, il se sent prêt à tout, même
à travailler comme professeur de tennis dans la bonne société locale.
Rôle mondain qui lui convenait à merveille, dont il parlait dans ses
lettres avec enthousiasme. Y croyait-il vraiment, malgré ses
déclarations à sa sœur Geneviève ? Toujours est-il que son optimisme fut
de courte durée puisque cette relation passionnelle s’effrita
rapidement. Dans ses lettres, il devint plus évasif, les éloges qu’il
faisait de Margerie s’espacèrent, remplacées par la description de cette
société provinciale qu’il raillait avec plaisir et l’aveu de ses soucis
d’argent.
Toujours est-il que Margerie s’enfuit aux Etats-Unis,
disparaissant dans l’anonymat du monde new-yorkais tandis que Micha
regagnait la France en implorant sa famille de lui venir en aide, ce
qu’elle fit, non sans compensations.
Grâce à ses appuis, elle parvint à lui faire réintégrer l’armée,
ce que ce fils ingrat ne lui sut gré, puisqu’il s’empressa de déserter
une nouvelle fois pour rejoindre Margerie à New-York. Malgré des lettres
repentantes où il mettait ses égarements sur le compte de sa passion
dévorante pour Margerie, la famille lui coupa les vivres et il connut à
New-York une vie très difficile. On sait fort peu de choses de son
existence là-bas, ses lettres se faisant rares, n’écrivant guère qu’à sa
sœur Geneviève à qui il confiait ses espoirs et ses craintes puis
l’immense joie d’avoir réussi à retrouver Margerie.
Son silence même
trahissait ses difficultés dans ce monde inconnu qu’il découvrait avec
autant de curiosité que d’appréhension. Il n’aimait guère cette énorme
ville bigarrée où les gens manquaient de savoir-vivre, goutte d’eau dans
cet océan d’indifférence. Jamais il ne retrouva avec Marjorie la
complicité qu’ils avaient connue en Angleterre, l’intimité du Sussex.
Margerie s’éloignait inéluctablement de lui encore une fois, la fatigue
qu’il ressentait face à une femme insaisissable qu’il ne se résout ni à
retenir ni à quitter, se sentant mendiant à ses pieds, étranger à sa
nouvelle vie, ses efforts dont il présageait l’inanité. Séparation
définitive cette fois : elle s’envola vers le soleil californien comme
on s’enfuit vers un nouvel espoir, il rejoignit les brumes alpines sans
réactions, sans volonté, uniquement porté par les contraintes du
quotidien après les fastes londoniens et l’aventure américaine.
L’air des alpages, les paysages familiers de son enfance
au-dessus de Saint-Jean de Maurienne, le laissèrent indifférent. Rien ne
l’intéressait de ce qui se passait autour de lui ou de ce qu’on pouvait
lui dire. Son Père l’emmenait marcher dans la montagne, de longues
marches souvent silencieuses, il suivait un cousin dans les estives,
parcourant les entiers muletiers, retrouvant parfois un berger, un ami
d’enfance "resté au pays" qui le regardait comme un revenant. Il avait
l’air absent, ignorant cette nature grandiose aux pics majestueux et aux
à-pics vertigineux qui lui semblaient hostiles.
Quand la famille lui présenta une charmante jeune fille, Estelle
Chavillaz, beau parti d’une des plus vieilles familles de la vallée, il
pipa mot bien qu’il n’en pensât pas moins. Lui le rebelle resta sans
réactions. Sa mère, dûment chapitrée, entreprit de le sonder, lui
présenter cette union sous un jour très favorable, lui vantant le port
et les manières de la promise. « Sa principale qualité doit être sa dot
et le réseau qu’elle draine vers la famille » se contenta-t-il de
conclure pour tout commentaire. Lucide et sans illusions sur la famille.
Saint-Jean de Maurienne
C’est à cette époque lors d’un voyage à Lyon, qu’il se fit
tatouer sur le bras gauche l’inscription « Fatum », pas pour signifier "les choses sont ainsi", aucune volonté existentielle dans sa démarche,
il est ainsi et rien ne peut le changer. Famille et manigances ou pas.
Conflit larvé avec ce père au caractère très différent, volontaire et "méritocrate", qui se désespérait d’un fils se laissant porter par la
vie et ses instincts. Le premier contact fut sans intérêt et il serait
bien incapable aujourd’hui de le relater. Mais il se laissa faire comme
s’il avait décidé de donner raison à la famille.
Aucune volonté de
contester, de s’y opposer. Bien qu’il tînt à sa sœur des propos
louangeurs sur Estelle, cette femme « qu’il n’attendait plus », cette
union l’arrangeait plutôt et rejoignait l’intérêt de la famille. Il
reprenait sa place dans la catégorie "bon fils" avec les avantages
financiers afférents.
Mais c’était sans compter le rôle malin du "fatum" cher à Micha. Dans
une lettre, il parle de ces gênes millénaires qui sont en lui, malgré
lui, l’entraînant vers son destin par la force de tous ces destins
ancestraux intériorisés, cristallisés à travers les générations. Il
pensait aussi, contre toute logique, qu’il pourrait augmenter sa
capacité d’autonomie, au-delà de sa lignée, gagnant un certain degré de
liberté face à toutes ces générations où se fondait l’individu.
La durée n’est plus linéaire, elle devient assemblage de tous les
parcours qui constituent la fresque familiale. Des interférences, des
juxtapositions qui fractionnent le » temps et lui donnent la profondeur
d’une autre dimension. L’espèce tend à récupérer l’individu comme Micha
se débat avec la famille.
Micha et Estelle vont vite découvrir qu’ils sont faits pour
s’entendre : mêmes rêves, mêmes aspirations à s’émanciper de la pesante
tutelle familiale, même fascination pour une vie au-dessus des
contingences. « Vie d’absolu, proclame Micha, toute vouée à l’esprit et
aux plaisirs. » Estelle applaudit. Voilà qui lui va fort bien, elle qui
ne pense que belles toilettes et réceptions fastueuses. Vie courte
peut-être mais sans contraintes, assumée, revendiquée même comme
l’expression de leur rêve d’absolu. Vie trop courte pour ne pas courir
le risque de la gaspiller. Bien sûr, les familles vont réagir mais trop
tard, les tourtereaux se sont envolés et mènent leur vie à leur guise
dans tous les endroits d’Europe où on s’amuse.
Estelle adore cette vie d’insouciance et d’errance mondaine où
elle côtoie le gotha européen, ses lieux favoris et ses rites, elle peut
s’y adonner totalement maintenant qu’elle a acquit le statut libérateur
de femme mariée. Au moins dans ce milieu. Micha est prêt à se laisser
guider dans ce monde qui l’attire, à se laisser entraîner dans le
tourbillon d’une fête éternelle. La vie comme une bulle onirique où le
désir perd de son sens, où la volonté se dilue dans la douceur de vivre.
Le circuit du "voir pour être vu" est parfaitement balisé,
épousant les saisons, faisant et défaisant les modes, promouvant ses
représentants de leur présence huppée. Dans ce tour d’Europe obligé des
concours hippiques du printemps, des munificentes expositions d’automnes
frémissants de capelines irisées, des galas d’étés languissants sous
les ombrelles multicolores de Cannes ou de Deauville, des longs hivers
dans l’ambiance feutrée de Saint-Moritz, la patine surannée des soirées
de Marienbad [1] ou de Karlsbad. [2]
Karlsbad et Marienbad
Douze ans de cette vie à côté de la vie, sur une autre planète, un monde
protégé des réalités par ses privilèges, caste qui se croyait libérée
de ces contingences. Il n’en reste guère que quelques photos parues dans
ces magazines qui font rêver les peuples. « Tout n’a qu’un temps »,
semblait dire Micha qui voyait la vie comme une table de jeu où personne
ne peut gagner à tout coup. Son "fatum" était décidément dans une
mauvaise passe. Ils avaient réussi à dilapider leur immense fortune en
ces douze années qui étaient passées sans qu’ils s’en aperçoivent
vraiment.
Rattrapés par la réalité, le trio s’enfuit, se terra un moment
puis se délita. Après des mois d’une nouvelle errance suivie par la
cohorte des créanciers, Ils font encore illusion dans les palaces de
Vienne ou de Prague, où ils jouent les attractions, les Français
insouciants, sûrs d’eux, irrévérencieux, boudeurs, légers, incarnant
cette permanence française qui fait, paraît-il, son charme.
On les retrouve encore dans des spectacles hippiques, concours de
dressage où excellait Micha, Estelle et Gabrielle jouant les écuyères
éthérées, puis de loin en loin présidant des galas dans des clubs huppés
ou au Rotary.
Et puis plus rien. J’apprendrais, par une lettre à quelle
Geneviève conservait jalousement, que les deux sœurs moururent dans un
terrible accident de voiture qui se disloqua en dévalant un talus
jusqu’aux fourrés touffus en contrebas. Les deux amazones avaient
disparues comme elles avaient vécu, dans un panache de fumée, englouties
au terme d’une course folle qui les avait désincarnées.
Coup de couteau dans le cœur d’un Micha alors à la dérive qui
n’eut d’autre solution que de regagner le giron familial, désespéré,
vaincu. Retour à la case départ. Depuis le drame, il s’était replié sur
lui-même, restant le plus souvent dans sa chambre.
Parfois, il
disparaissait quelques, à Lyon sans doute ou en visite chez quelque ami
du côté de la Côte d’azur, et revenait sans un mot, comme il était
parti. Il vivait une nouvelle errance dans ces montagne, refusant tout
contact, « ne suis-je pas un éternel errance, disait-il, errance
solitaire sillonnant les montagnes comme j’ai naguère sillonné l’Europe
sans trop savoir pourquoi, sans pouvoir m’arrêter. » Cette fois-ci
cependant, après des semaines de désespoir muet, il retrouva de vieux
repères venus du plus profond de sa mémoire, marchant sur les traces de
son enfance comme pour un parcours initiatique, retrouvant des senteurs
oubliées, des sensations refoulées, reprenant goût aux plaisirs simples
qu’il avait si violemment rejetés. « Je suis un homme neuf maintenant,
disait-il à sa mère ou à Geneviève quand elle venait en visite,
dépouillé de mes rêves d’impossible. »
Quand la famille résolut de le remarier sans plus attendre, il ne
fit aucune objection. Tout lui semblait égal désormais. Cette fois ci,
le conseil de famille ne commit pas la même erreur qu’avec Estelle, il
choisit une fille du village avec les pieds sur terre, pas une éthérée
dévorée par des rêves de grandeur, une jeune fille qui me restera à
jamais inconnue, trop vite disparue d’une fièvre puerpérale quelques
jours après la naissance de mon père. Une ombre dans les portraits de
famille.
Les rêves de Micha ne sont pas les miens mais ils sont en moi
quand même, malgré moi, liens intrinsèques qui doivent bien quelque part
invertir mes rêves éveillés, de secrètes pensées d’évasion dans une
recherche d’absolu vite réfrénée. Quand je pense à lui, Micha l’errant,
ou plus rarement au colonel Henri Chevessand, le conquérant à la lame
redoutable, éléments de la mosaïque familiale dans un temps éclaté, hors
chronologie, qui reviennent en boucle m’investir d’une part de leur
vérité, de leur part de mensonges, et sans doute de leur part de
fantasmes.
Le temps court à travers les champs de bataille ou les champs de
course, se fige dans des portraits qui font l’orgueil de la famille ou
dont, pudiquement, on ne parle pas. Trop de douleurs parfois. On y
trouve pêle-mêle une lointaine aïeule Claire Chevessand qu’un peintre
flamand a immortalisée, un doux visage nimbé d’azur dans un médaillon,
une femme hautaine peinte de profil en demi-teinte et une gourgandine
levant haut la jambe dans l’éclat de ses vingt ans, dont on dit qu’elle a
été croquée par Toulouse-Lautrec dans ces lieux de plaisirs où l’on
rencontrait le Tout-Paris de la Belle époque.
Autant de points de
repères, autant d’exceptions aussi dans cette famille de laborieux et de
méritants où le plus souvent, les femmes apparaissaient dans l’ombre
portée des alliances familiales. Le pendant de cette dernière, un loup sur le visage, le regard
mutin dissimulé par son masque, peinte d’après une photo prise au
carnaval de Venise. Double symbole de l’exception et du masque de
l’anonymat où l’individu n’est qu’un représentant temporaire de la
lignée. Les femmes ralentissent un temps qui va trop vite, le figent
dans des portraits intemporels pour qu’il ne puisse leur échapper,
rattrapant l’éternité dans des traits figés à jamais, dans l’éclat de
leur jeunesse, de leurs toilettes ou de leur réussite.
Le temps a dû encore s’accélérer quand un type passe devant moi
–ou plutôt devant mon portrait- sans me prêter attention, indifférent,
puis intrigué, revient sur ses pas l’air soupçonneux. Comme il me
ressemble !, c’est ce qui l’a sans doute intrigué. J’en rougissais
derrière cette croûte de couleurs qui me colle à la peau. D’une moue
dubitative il s’approche encore jusqu’à toucher du doigt ma couche de
vernis. Il m’examine maintenant effrontément comme si j’étais une bête
de cirque. J’aimerais le questionner, lui demander d’où peut venir
cette ressemblance, si la chaîne de la vie ne serait pas qu’une suite de
hasards qui mènent à lui, tenter de mieux appréhender ce maillon qu’il
est en train de contempler.
Mon visiteur attentif lit l’inscription laconique qui complète
mon tableau : "Jacques Chevessand – 1946-2026". Mon dieu, je suis mort
depuis si longtemps déjà ! Là-bas non plus on ne voit pas le temps
passer. Il faut dire que la notion de temps est fort différente… enfin
je vous expliquerai une autre fois… Il doit faire une petite
soustraction pour savoir si je suis mort encore jeune ou très âgé, mais
non, dans la moyenne, sans doute encore un de ces Chevessand anonymes
qui n’ont pas senti le besoin de se distinguer dans le fouillis de son
arbre généalogique. Rien que de très banal en effet, l’espérance de vie
des hommes de cette époque.
J’aurais pu mourir très vieux comme le colonel Henri Chevessand,
radotant encore devenu centenaire, sa charge fantastique à Essling et
ses exploits pendant la calamiteuse campagne d’Espagne, se rengorgeant
d’avoir été l’officier d’ordonnance du général Hugo, le père de Victor,
aussi fort en gueule que lui, et d’avoir fait sauter sur ses genoux le
futur député et académicien. J’aurais aussi pu mourir beaucoup plus
jeune comme Estelle Chevessand ou même son mari Micha, après une vie de
fulgurances et de bravades qui, comme disait son père dont personne n’a
retenu le prénom, « Tu ne sais que dilapider ta fortune et brûler ta vie
par les deux bouts. » Objectifs atteints. Sur ce plan là en tout cas,
on peut dire que sa vie a été une pleine réussite. Mais la famille ne
l’entendait pas de cette oreille et ne lui a jamais pardonné "de
déchoir" à ce point. Sans sa correspondance, surtout les lettres
envoyées à sa sœur Geneviève, je ne saurais pas grand-chose de lui.
Il me regarde de nouveau et j’ai envie de le provoquer ce jeune
freluquet aux petites fesses moulées dans une espèce de pantalon
bouffant. La mode du jean doit être passée. Je suis quelque part dans la
cohorte des anonymes, je n’ai emporté que quelques traces d’ADN dans
mon portrait, un peu de moi qui doit aussi sans doute se retrouver dans
cet énergumène qui me renifle sans façon, sceptique et irrité de cette
coïncidence, mais sans plus, à peine retenu quelques minutes par ce clin
d’œil malin du destin. D’autant qu’il hausse les épaules et s’apprête à
s’éloigner. Ah non, pas question qu’il s’en tire comme ça.
J’aurais pu sortir du cadre et le ramener un petit millénaire en
arrière, à une époque où le minitel ne le cédait pas encore à internet.
Mais non, j’ai choisi plus soft et au moment où il me fixait une
dernière fois, je lui ai promptement tiré la langue à la manière
d’Einstein et lui faisant de gros yeux bovins. Surpris, interloqué, il a
fait un bon en arrière et de l’air le plus idiot qu’il pouvait prendre,
il a vrillé son index sur sa tempe, les yeux encore plus exorbités que
les miens. Il s’est éloigné à demi rassuré avant que j’aie eu le temps
de lui botter les fesses, ses belles petites fesses bien moulées dans
son pantalon bouffant.
Qui a dit que les revenants n’existaient pas ? En tout cas, lui n’en
revenait pas lui-même !
[2] ↑ Aujourd'hui Karlovy Vary en Tchéquie
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BONNE LECTURE
***** | Les Chevessand | Les Chevessand (suite) | *** | ***** |
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