Maya, Nanou et la rivière
Il
était une fois deux villages séparés par une rivière fort calme en été
mais parfois fort tumultueuse l'hiver venu. Les gens de ces deux
villages ayant des mœurs fort différentes, ne se fréquentaient guère,
vaquant à leurs occupations sans s'occuper des autres, ne s'intéressant
ni à leurs fêtes ni à leurs difficultés, selon l'adage bien connu « chacun chez soi et les moutons seront bien gardés. »
Bien
qu'il n'y eût ici aucun mouton, chacun restait effectivement chez lui,
c'est-à-dire du côté de sa rive, avec sa communauté. La rive gauche
ignorait la rive droite et réciproquement, comme si le bras gauche
ignorait le bras droit, que chacun faisait ce qu'il voulait sans se
préoccuper de l'autre.
Ils
franchissaient rarement le petit pont de bois qui reliait leur village
et quand, un soir d'orage particulièrement violent, il fut emporté par
un courant furieux, ils renoncèrent à le reconstruire. Ils étaient
paraît-il trop pauvres pour en édifier un nouveau mais en réalité comme
ils s'en servaient très rarement, son absence leur importait peu.
Certains étaient même plutôt contents de ce dénouement. Par contre,
beaucoup s'empressèrent de récupérer le bois pour le laisser sécher le
faire brûler dans leur cheminée. Ceci donna même lieu à des disputes
pour la répartition du bois entre les familles. Des querelles qui
alimentèrent les discussions et durèrent pendant des mois avant que les
relations s'apaisent quelque peu.
Cette situation se perdait dans "la nuit des temps" comme on disait. Elle datait d'une époque où la rivière servait de frontière entre deux pays, l'un des villages étant terre de royaume et l'autre terre d'empire. Ils avaient ainsi suivi des cours différents, connu des coutumes différentes et pendant longtemps, ne parlèrent pas la même langue. Les deux états avaient même fait construire des ouvrages défensifs dont encore de nos jours on peut voir les quelques ruines qui subsistent. C'est dire la méfiance qui persistait entre les deux communautés, même si elle n'était maintenant plus guère visible.
Seules deux petites filles Nanou et Maya
furent catastrophées par la tempête vorace qui avait englouti le pont
parce que désormais, elles ne pourraient plus se rencontrer. Même si
elles se voyaient très rarement, et en cachette pour éviter tout
problème avec les adultes, ces rencontres furtives leur manquèrent
terriblement. Elles ne pouvaient plus ni bavarder ni jouer et devinrent
tristes, s'intéressant moins aux autres, négligeant leurs devoirs.
Les deux jeunes filles étaient maintenant obligées de communiquer par-dessus la rivière, ce qui se révéla très malaisé.
- Hou, hou s’écria Nanou, est-ce que tu m'entends ?
Sa petite voix ne portait pas loin et l’eau de la rivière cognant contre les cailloux couvrait largement sa voix. Maya tenta bien de comprendre ce que Nanou s’égosillait à lui dire, mais rien n’y fit, elle ne parvenait pas à comprendre son message.
Maya, en face d’elle sur la rive opposée était désespérée de ne pouvoir saisir ce que lui disait son amie.
- Comment vas-tu ? Moi, je suis si triste qu'on ne puisse plus être ensemble !
En
désespoir de cause, elles se faisaient de grands gestes pour se dire
bonjour ou échanger quelques mots, elles s'envoyaient maints baisers
avant de se quitter. Peu à peu, elles mirent au point une gestuelle qui
leur permit de rester malgré tout en relations.
- Et si on apprenait la langue des signes, hurla Nanou sur l’autre rive, à son amie, en l'accompagnant de grands gestes ?
Mais Maya ne comprit pas le message qui se perdit dans les nues.
Nanou remâchait
son amertume, cherchant désespérément une solution. Comme elle était
rarement à court d’idées, elle pensa que contacter Blanche Neige serait une excellente idée.
- Oh, ma chère Blanche Neige,
aide-moi je t’en prie. Je voudrais construire un pont solide qui
résiste aux intempéries et aux crues de la rivière pour aller voir mon
amie Maya. Nous sommes si tristes de ne pouvoir discuter et nous serrer dans les bras ! J’ai pensé que les sept nains pourraient nous y aider avec les villageois qui voudraient bien participer à ce projet.
Blanche-Neige fut emballée par la proposition, en parla séance tenante aux sept nains qui s’empressèrent de donner leur accord tant l'idée leur parut prometteuse.
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