lundi 14 novembre 2022

Prendre la fuite

       

                                  Passe, passe, passe ton chemin  
                                  Vraiment sans regrets et sans chagrin,        
                                  Laisse, laisse les tous à leur train-train
                                  À leurs simples joies du quotidien.
                        Le temps s’effiloche et c’est la vie, la vie qui passe,
                        Qui passe, puis qui repasse sans laisser de traces.

                                 Car mon cher ami, je t’en conjure     
                                 On ne le sait hélas que trop bien    
                                 Que c’est ainsi et que rien ne dure 
                                Mais que ça ne peut pas être un frein.
                          
File, file, taille ta route avant d’être vieux
                           Penses-y, à chacun ses choix, à chacun son jeu.

                                 Alors vas-y, fonce, fonce encore     
                                 Ce n’est pas le moment d’avoir peur, 
                                 Ferme les yeux, fais le vide en toi
                                 Crois en toi et ne suis que ta voie.
                           Quitte vite tes oripeaux et mets-toi à nu,
                           En vérité, dormir c’est toujours du temps perdu.

                                 L’horizon n’est jamais assez loin,
                                 Perdu quelque part dans le lointain,
                                 Chasse les songes creux qui sont vains, 
                                 Laisse tout ceci aux écrivains.
                           Oui, vas-y, prends le large, fonce vers la mer
                           À grandes enjambées et à grandes brassées d’air.

                                 Suis d’instinct la direction du vent
                                 Et plus rien ne sera comme avant,
                                 Souviens-toi, la vie est une joute
                                
Alors saisis-la, trace ta route,
                           Fais le vide en toi, passe tout en profits et pertes,
                        N'hésite pas, vas voir ailleurs si l'herbe est plus verte.

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<<< Ch. Broussas •Prendre la fuite © CJB ° 11/09/2022 >>>
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Parabole bancaire

              

Des gangsters braquent la banque d’une petite ville ...

L'un d’eux crie : « Plus personne ne bouge ! L’argent appartient à la banque. Vos vies vous appartiennent ».
Tout le monde se couche alors par terre calmement, sans panique.

Un choix judicieux des mots est essentiel pour influencer autrui

L’une des femmes est allongée sur le sol dans une pose suggestive pour tenter d'amadouer les voleurs. L’un d'eux s’approche d'elle et lui dit : « Madame, ceci est un hold-up, pas un viol. Comportez-vous s’il vous plaît de façon naturelle ».

Se conduire avec compétence permet de se focaliser sur son objectif

Alors qu’ils filent avec leur butin, le plus jeune voleur, très diplômé, dit au plus âgé : « On devrait peut-être compter notre butin ? ». 
L'ancien lui rétorque : « Pas la peine, c'est simple, il suffit d’attendre les prochaines infos à la télé pour connaître le montant du vol ».

L’expérience sert souvent plus qu’un diplôme universitaire

Après le braquage, le directeur de la banque dit à son comptable : « Appelez la police et précisez leur le montant du vol ».

« Avant d'appeler, répondit le comptable, ajoutons ce que nous avons détourné au cours de ces dernières années pour déclarer le tout comme volé ».

Les plus malins peuvent tirer avantage d’une opportunité.  

Le lendemain, les médias annoncent que trois millions d'euros ont été dérobés à la banque mais les voleurs ne trouvent qu’un "petit million".
Ils pensent qu'ils ont pris beaucoup de risques pour un million d'euros alors que la direction de la banque en a volé deux sans prendre de risques.
Et ils se disent, songeurs, qu'il vaut mieux apprendre le fonctionnement du système plutôt que de rester de simples voleurs ».

Le savoir peut être plus efficace que la force.

Conclusion
Avec un révolver, on peut voler une banque,

Avec l'aide d'une banque, on peut voler tout le monde
...

             

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vendredi 5 août 2022

Fêtes galantes

               
                                                         Colombine & Pantalon

--------  1  --------                   --------  2  --------
Sage Colombine                        Belle Colombine
À la taille fine,                         Qu’on dit très câline,
Fourmille                                  Faraude,
Toute sautillante,                     Bien loin d’être sotte
Toute frémissante,                  A de la jugeote,
M’ennuie.                                  Finaude.
--------  3  --------                  --------  4  --------
Et ce beau Gavroche,               Et cet Arlequin
Les mains dans les poches       Qu’on dit si malin,
Chantant                                   Jaloux,
Tapant dans ses mains,            Dans ses beaux losanges
Fidèle copain                            Passe pour un ange
Dansant.                                   Très doux.

     
--------  5  --------                  --------  6 --------
Do, do, ré, fa, mi                     Le Pauvre Léandre
Mes charmants amis               Au cœur bien trop tendre,
Qui chantent                           Gêné,
Sur le même rythme               Aimant Colombine
Répétant leur hymne,             D’une humeur chagrine,
Me hantent.                             Berné.
--------  7  --------                 --------  8 --------
Bien d'autres encore               Aimant Colombine
Choient dans ce décor             Et
sa bonne mine,

Banal,                                       Soumis,
Pierrot, teint crayeux,            Pour leur grand malheur
Cassandre envieux,                 Vraie femme sans
cœur,
Rival,                                        Trahis.

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mardi 2 août 2022

Brassens et Verlaine Colombine

Georges Brassens a parfois mis en musique des poèmes de ses poètes préférés. [1] Il en est ainsi par exemple de Victor Hugo (Gastibelza et La légende de la nonne), Francis Jammes (La prière) ou Jean Richepin (Philistins et Les oiseaux de passage) [2] et des textes de son ami Paul Fort ou le poème intitulé Les Passantes d'Antoine Pol.

       
Colombine et Arlequin   Idem par Degas          Colombine et Pierrot

La structure métrique du poème de Paul Verlaine, reprise par Brassens, se compose d'une alternance régulière de vers de 5, 5 et 2 syllabes.  (solution que Brassens reprendra dans sa chanson Le vin)

       Personnages masqués

Se pose aussi ici la question centrale de savoir comment adapter un poème à une chanson, pour faire coller paroles et musique, ce qui n’est évidemment pas la préoccupation du poète. On peut retrouver ce problème dans un autre poème mis en musique par Brassens, La prière de Francis Jammes. Il s’agit ici plus précisément d'une technique quelque peu différente : un intermède musical remplace le texte de Verlaine, sans doute parce que le format d’une chanson est le plus souvent plus court qu’un poème.

                                 
Portraits de Léandre et Cassandre    

De la même façon que Brassens coupe la dernière strophe du poème d'Aragon Il n'y a pas d'amour heureux, il a préféré dans Colombine supprimer la partie de l’image de la course des différents personnages, pour se concentrer sur les proches de Colombine, dans une relation galante entre elle-même et ses soupirants Léandre, Pierrot, Cassandre, Arlequin
Ce n’est pas pour rien que le recueil de Verlaine qui contient ce poème s’intitule Fêtes galantes.

          
Verlaine Fêtes galantes              Watteau Fêtes galantes

C  O  L  O  M  B  I  N  E

Léandre le sot,
Pierrot qui d’un saut
        De puce
Franchit le buisson,
Cassandre sous son
        Capuce, [3]

[Personnages de la Commedia dell'arte]
Soubrette hardie et insolente, vêtue de blanc, Colombine est tour à tour maîtresse et femme d'Arlequin (ou Pierrot), souvent courtisée par des vieillards amoureux comme Cassandre ou comme Léandre, espèce de bellâtre vaniteux, tous deux souvent dupes d'Arlequin et de Pierrot.
Jeune valet candide, Pierrot (qui joue sans masque) doit souvent supporter les facéties d'autres personnages. Arlequin, comme Polichinelle, est un valet, en général meneur de l'intrigue, rusé, spirituel et railleur. Il apparraît avec un costume fait de pièces colorées, son masque noir, sa voix de fausset et son pas trépidant.

Arlequin aussi,
Cet aigrefin si [4]
      Fantasque
Aux costumes fous,
Ses yeux luisants sous
     Son masque,

[Modification : Verlaine écrit "son masque" et Brassens "le masque", faisant ainsi ressortir non le masque mais plutôt les yeux]
[Chez Brassens, le premier vers de chaque strophe est chanté sur ces notes ci-dessous sauf le vers "do mi sol mi fa"]

Do, mi, sol, mi, fa,
Tout ce monde va,
      Rit, chante
Et danse devant
Une belle enfant
      Méchante [5]

[La mise en musique ne permet pas d’établir une liaison entre "et danse" et "tout ce monde", pouvant laisser penser que c'est Colombine qui danse]

Dont les yeux pervers
Comme les yeux verts
      Des chattes
Gardent ses appas
Et disent : « A bas
   Les pattes ! » [6]

[Les yeux verts des chattes : voir sa chanson "Putain de toi"]
[Appas, charmes féminins et non appâts dont on se sert pour attirer les poissons]

Eux ils vont toujours !

Fatidique cours
      Des astres,
Oh ! dis-moi vers quels
Mornes ou cruels
      Désastres

L’implacable enfant,
Preste et relevant
      Ses jupes, [7]
La rose au chapeau,
Conduit son troupeau
      De dupes ? [8]

        

Notes et références
[1] Pour une info complète sur ce sujet, voir Brassens chante les poètes --
[2] Voir par exemple Brassens et Richepin --
[3] Capuce : De l'italien cappucio = cape, capuchon. (cf le capucin qui est un moine portant capuche)
[4] Aigrefin : Pourrait venir de "agrifer", saisir à l’aide de griffes. (cf "escroc")
[5] Derrière la frivolité de façade se profile le jeu ambigu et même pervers de Colombine
[6] Toujours le jeu manipulatoire, malsain de Colombine qui les aguiche tout en dissuadant une relation plus poussée

[7] On ne sait trop si Colombine relève ses jupes pour cheminer plus à l’aise ou pour faire la coquette et faire découvrir chevilles et mollets. Espèce de Vénus qui rappelle Saturne ou d’autres chansons de Brassens.
[8] Forme interrogative laissant ouverte toute conclusion

Voir aussi mes fiches
Document utilisé pour la rédaction de l’article  Le jardin de Brassens -- Brassens à Sète -- Brassens, album n°4 --
Document utilisé pour la rédaction de l’article  Témoignages des amis -- Poèmes et textes --
Document utilisé pour la rédaction de l’article Brassens André Larue -- Brassens, Chrono --

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<< Christian Broussas
Brassens et Verlaine  © CJB  °°° 02/08/2022  >>
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