jeudi 21 janvier 2021

La traîtrise - Entre deux chaises

              

« À surveiller » m’ont-ils dit. Comme si j’étais un pro de la filoche ! Avec ma gueule chafouine et mon air de n’être nulle part à ma place, pas de risque que je passe inaperçu. Pas question de jouer les passe-muraille. 

« À la première occasion, tu les infiltres » éructe Modus, d’un ton sans réplique,  qui a une dent contre le type qui vient de prendre les rênes de la bande rivale. Comme si ça allait se faire tout seul. Ça m’énerve ce genre de gus qui se la racontent, qui croient que parler suffit.  Avec moi, pas besoin de prendre des gants, devait-il penser. Commander, obéir, à chacun son rôle.  Naturellement, je ne dis rien, ça servirait juste à provoquer des embrouilles.  « Tu les infiltres. » Tu parles ! Cause toujours, je me disais, tu verras bien. J’ai assez de mauvaise foi pour trouver toutes les bonnes et les mauvaises raisons du monde…
« Le syndrome de l’âne » disait mon pote Jean-Michel, une bonne ruade le moment venu et pan,  dans le décor le chiant ! Ruer comme la mule du pape d’Alphonse Daudet, ruer des quatre fers comme monnaie de leur pièce. J’en rêvais.

 En fait, j’en voulais moins à Modus qu’à ses lieutenants, des laquais qui ne pensaient qu’à faire exécuter servilement ses ordres. Et pas question de se défiler, de se justifier ou de rejeter la faute sur d’autres. Il fallait se la jouer beaucoup plus fine. 

Oh, j’ai l’habitude de ces mecs qui me prennent pour leur larbin mais on verra, on verra bien.  J’adore brouiller les cartes.  À jouer au con, avec moi ce sera à fleurets mouchetés.  Pour le moment, je me sens comme en quelque sorte une marionnette au bout d’une ficelle.   Des donneurs de leçons, « tu fais comme ci, comme ça, t’as pas réfléchi, pas assez réactif… » C’est facile pour ceux qui ont le pouvoir.

J’aurais tort de me plaindre, rien de nouveau dans ce bas monde. Toujours  ceux qui sont servis, ceux qui dansent et ceux qui bossent, ceux qui triment à la cuisine et ceux qui s’amuse dans la salle de séjour. À chacun son ghetto.
De toute façon, on est toujours le larbin de quelqu’un.

Bon, en attendant, j’avais avalé ma pilule, basta.  Jean-Michel était venu me réconforter. « T’en fais pas, c’est une grande gueule le Modus mais au bout de cinq minutes, il n’y pense plus. Il est passé à autre chose. » Gentil le Jean-Michel, j’appréciais sa sollicitude mais le Modus ne lâcherait pas le morceau comme ça. Il allait falloir que je m’en occupe dare-dare de cette foutue affaire.

          

La salle était plutôt rococo avec ses grosses moulures colorées, ses énormes lustres d’un autre temps avec leurs prismes et leurs lourdes pendeloques poussiéreuses en cristal, qui servaient maintenant de décoration. Des rideaux épais aux de velours violacé complétaient un décor vieillot. Comme d'habitude on joua au poker à grands renforts d'exclamations. Une bagarre éclata entre deux joueurs, bien chauffés par l’alcool, comme un orage subit. Pas d’éclairs, de tonnerre annonciateurs. Un barouf de cris et de chaises renversées. Ça ne dure pas longtemps. On panse les petits bobos, on remet les chaises den place. Tout s’achève. On en reste là ; question d’habitude.  

Il y a des contentions comme ça, petits egos rabaissés, susceptibilités blessées, histoires de femmes… Ça cuit et ça recuit et un jour ça pète comme un orage qui crève. Un orage, ça peut faire des dégâts mais ça passe vite.
À chacun son petit pouvoir.
Le premier alla panser ses plaies aux toilettes sous l’œil narquois de son adversaire. On attendra la revanche. Ça met du piquant à ces réunions qui s’éternisent et mettent parfois les nerfs à vif.

Modus et ses sbires se sont à peine aperçus du tintamarre provoqué par la bagarre, largement couvert par les rires et les applaudissements de ceux qui s’efforcent de s’amuser et de mettre de l’ambiance. Mais le cœur n’y est plus. Personne n’ose partir tant que Modus n’a pas donné le signal du départ. Ce serait considéré comme un manque de respect et on ne manque pas respect au chef. On fait gaffe.
Ça me rappelle l’histoire chef de clan régnant sur sa maisonnée. À la fin du repas, nul n’aurait oser faire mine de se lever avant que le patriarche n’ait donner le signal de fin du repas en fermant ostensiblement son couteau.
Le couteau, symbole du sceptre suprême et du pouvoir absolu. C’est pas beau ça ! En attendant, je continuais de faire mon service et de proposer des boissons à des gens qui n’avaient plus soif depuis longtemps.

              

La soirée d’éternisait. 
Modus et ses amis les plus proches, le grand Jacques et les jumeaux, discutaient dans un coin retiré avec des têtes  de comploteurs. Simple jeu ou confidences ? Je m’en approchais l’air de rien avec  un plateau chargé de verres. Chargés, c’était bien le cas vu le nombre de bières et d’autres boissons s qu’ils s’étaient envoyés, ils étaient bien chargés, même s’ils encaissaient bien.
À peine arrivais-je près d’eux qu’ils se turent, prirent un verre sur le plateau avant de reprendre leur conversation. J’eus quand même le temps de happer quelques mots au passage bonne affaire, bascule,
Apparemment, ils discutaient  business et magouille.

Les autres s’ennuyaient ferme et feignant de s’amuser, deux couples dansaient entre les chaises, pour s’occuper. Quand je ne sais qui prit l’envie de faire la ronde autour de la table du buffet ; On tourne dans un sens puis dans l’autre  et de jouer. En puis tout retomba comme un soufflé. Modus dut enfin s’en apercevoir car il se leva, adressa à tous un petit sourire distant et disparut dans le couloir.
Il ne nous restait plus, nous les serveurs et les larbins, qu’à tout nettoyer et remettre en ordre. Même pas besoin de nous le dire. On connaissait la chanson.

Des bruits de rues, des éclats de rire dans la nuit. Ce n’était que les derniers convives qui s’égayaient bruyamment en regagnant leur voiture. Tout s’estompa rapidement, ne restait dans la salle que le cliquetis,  les bruits étouffés des couverts et de la vaisselle qu’on manipulait.   

                

Deux jours plus tard, Modus me relance ou plutôt me convoque en m’envoyant De Laine, son factotum. Je poirote une heure (je m’en sors bien) avant qu’il daigne s’apercevoir de ma présence. Simplement pour me dire sans ambages : « Trouve-moi vite toutes les infos que tu peux sur le freluquet qui a remplacé le gros Louis. Tout ce que tu peux ; et grouille-toi ! » Genre "débrouille-toi, t’as carte blanche. "  

Évidemment je ressors furibard et je fais trois fois le tour du quartier pour me calmer sans savoir par quel bout prendre le problème.
Le bistrot était du genre miteux. Du genre vieille baraque "dans son jus". Ce qui voulait dire qu’il était rester dans le même état depuis un bon demi siècle, que le taulier ne lui avait consacré la moindre goutte de peinture ou la moindre truelle de plâtre. Le comptoir s’était patiné d’une couche de crasse qui avait gommé les motifs qu’on devenait encore ici ou là.

Le patron me regarda d’un œil torve, un type de passage devait-il se dire, qui voulait quoi au juste ? On n’entrait pas par hasard dans ce lieu perdu dans l’une des ruelles qui sillonnent l’arrière de la grande place. 
« Je vous sers quoi ? »
Le patron me lance un œil torve, je suis nouveau donc suspect, tout en essuyant la table devant lui.
- Une bière.
- Quoi comme bière ? Corona, pression…
- Je m’en fous.
Et je vais taquiner la babasse en jetant un œil dans tous les coins. Vu le nombre de clients, l’investigation est rapide. Je fais durer le temps en enchaînant quelques parties quand mon type se pointe son nez à la porte.  Je dis "mon type" parce que c’est nom que m’a craché un des jeunes chargés du guet dans "la bande du freluquet" comme dit Modus.

Les relations ici, c’est difficile à expliquer. Il faut être du sérail pour y comprendre quelque chose. Ou alors connaître  quelqu'un dans le quartier qui connaît tout le monde et peut nous rencarder ou au moins nous dire comment éviter les embrouille. Je sors tout de suite du bistrot et je planque. Il ressort dix minutes plus tard en compagnie d’un type que je connais déjà. Voilà comment "j'ai mis un pied dans la porte". L'essentiel était fait. Le reste n'est que routine.

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<< Christian Broussas • Modus © CJB  ° 20/01/ 2020  >>
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mercredi 13 janvier 2021

Vieillir simplement

   

Vieillir simplement, c'est accorder son cœur
Sans se retourner ou s’inquiéter de l’heure,
Être plus serein et conjurer ses peurs,
Car, à chaque âge, se rattache un bonheur.

Vieillir simplement, c'est vieillir dans son corps,
Le garder en forme pour se sentir fort,
Ne jamais abdiquer face à un effort
Et toujours savoir reconnaître ses torts.

Vieillir simplement, c’est aller vers les autres
Et leur dire que leurs peines sont les nôtres,
Que l’on peut toujours compter sur ses amis
Pour faire face aux aléas de la vie.

Vieillir simplement, c’est se dire aussi
Que rien ici n’est jamais vraiment fini,
Et que l’on pourra toujours chemin faisant
Goûter les plaisirs simples de chaque instant.

Vieillir simplement, c'est donner de l’amour,
Savoir donner sans rien attendre en retour,
Savoir aussi saisir le bonheur du jour,
Grappiller le temps sans penser à "toujours".

Vieillir simplement, c'est se bonifier,
S’approcher lentement de la vérité
Et se confronter à la rigueur des temps
Pour enfin savoir ce qui est important.

Vieillir simplement, c'est faire son devoir
Et être content en se couchant le soir.
C’est dans son for intérieur garder espoir
En se disant que c’est un simple au-revoir.

       

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<< Christian Broussas • Vieillir © CJB  ° 12/01/ 2020  >>
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vendredi 8 janvier 2021

Il en est ainsi de la beauté

       

Il en est ainsi de ces visages
Qui peu à peu deviennent sans âge
Sans qu’on puisse y prendre vraiment garde,
Ça se produit comme par mégarde
Nul ne peut savoir vraiment pourquoi,
Ici ne s’applique nulle loi,
Un temps qui se déchire soudain
Et n'ouvre sur aucun lendemain.



Il est parfois de ces paysages
Un peu trop lisses, un peu trop sages,
De cette beauté, comme de tout,
Devenue décor passe-partout
Et qui n’est plus qu’une pale image
Depuis que l'on a tourné la page,



D’un cœur qui ne bat plus la chamade,
D’un corps devenu un peu trop fade,
dont peu à peu on a fait le tour,
Dont on a épuisé les atours,
D’un être aimé mais trop prévisible
Auquel on n’est plus guère sensible,
De ces plaisirs précaires, hélas
Que l’on néglige et dont on se lasse.

    

Est-ce du monde qui nous entoure
Du créateur un de ses bons tours ?
Sans doute il en est fort capable
N’étant pas forcément toujours fiable,
Ou est-ce comme ça sans raison,
Quand tout s’effrite au fil des saisons ?

Il en est ainsi de cette vie
Si riche de toutes ses beautés
Et de tout ce qui nous semble acquis,
Cette beauté et tout son côté
Si fragile et éphémère aussi,
Rose destinée à se faner,
Elle qui incarne le paraître
Et, tôt ou tard, devra disparaître.

C’était un jour fait pour la beauté,
Une superbe journée d’été
Le corps étendu face à la mer
Ou même pendant un soir d’hiver
Bien pelotonné près d’un bon feu,
Quand vivre n’est plus un enjeu,
Le feu d’un automne mordoré,
D’un printemps aux reflets irisés.

La beauté est comme une présence
Et pour peu que le climat s’y prête,
On peut la vivre comme une fête,
Quand elle devient une évidence.

  

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<< Christian Broussas • La beauté © CJB  ° 05/01/ 2020  >>
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Le rêve d’Icare

       

Volez, volez donc de vos propres ailes
Longues et fuselées,  qui semblent si frêles,
Prenez votre élan, planez dans les airs,
Élevez-vous au-dessus de la terre
Fiers Icare, défiez la pesanteur,
Lancez-vous vite sans sentir la peur.

Volez loin du troupeau, sans être sages,
Le bonheur est ici dans les nuages,
Planez bien au-dessus des paysages,
Soyez comme des oiseaux de passage
Sans attaches, sans enjeux et sans cris,
Sans liens, la liberté est à ce prix.

N’hésitez pas, prenez bien votre envol,
Pour la liberté, il n’est nulle école,
Il vaut encore mieux jouer la bête,
Mettez-vous bien cette idée dans la tête.

Dans l’azur, on ne pense plus à rien,
On se laisse aller, on y est si bien,
Tant de bonheur et tant de plénitude,
Pour rompre enfin avec ses habitudes !

Car savez-vous, on n’exerce de rôles
que ceux qu’on s’est peu à peu infligés
Ou que ceux qu’on s’est laissé imposer,
Qu’on soit Saint Machin ou bien Saint-Paul,
Tout passe et tout lasse comme l’on dit,
Et c’est bien la seule philosophie.

  

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<< Christian Broussas • Rêve d'Icare © CJB  ° 03/01/ 2021  >>
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Toc, toc, toc

           

Toc, toc, toc, tombe froide pluie
En gouttes serrées, sans cesser,
Submerge-moi de ton ennui,
Tombe sans discontinuer
Cette terre assoiffée t’appelle,
Absorbe ce qui vient du ciel.
 
Cheminant au long de la route,
Je me faufile entre les gouttes 
Hop, hop, un pas sur le côté,
Un sautillement des deux pieds
Un salto, une pirouette,
La danse mouillée, c’est chouette.

Hop, hop, voilà mes pieds claquent
dans cette eau stagnante de flaques,
Toc, toc, toc, le vent me fouette,
J’en frissonne de tout mon être,
Lave-moi bien eau virginale
Dans ma longue quête du graal.

La pluie têtue sans s’arrêter
S’infiltre, me mouille les pieds
Mais tant pis tel Gene Kelly,
J’irai chanter sous la pluie,
Et danser avec Fred Astaire  
D’un pas aussi léger que l’air.

Ploc, ploc, ploc, la pluie s’épuise
En belles teintes qui s’irisent,  
Le ciel se vide, tout s’égoutte
Et déserte chemins et routes.
Même si le ciel se tarit,
Il n’empêche : l’eau c’est la vie.

     

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<< Christian Broussas • Toc, toc, toc © CJB  ° 01/01/ 2021  >>
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Poésie et consolation

  

La nuit n’est jamais complète. Paul Eluard

La nuit n’est jamais complète.

Il y a toujours, puisque je le dis,
Puisque je l’affirme,
Au bout du chagrin
Une fenêtre ouverte, une fenêtre éclairée.

Il y a toujours un rêve qui veille,
Désir à combler, Faim à satisfaire,
Un cœur généreux,
Une main tendue, une main ouverte,
Des yeux attentifs,
Une vie, la vie à se partager.

L’Arbre et la graine – Benoît Marchon

 Quelqu’un meurt, et c’est comme des pas qui s’arrêtent.
Mais si c’était un départ pour un nouveau voyage ?

Quelqu’un meurt, et c’est comme un arbre qui tombe.
Mais si c’était une graine germant dans une terre nouvelle ?

Quelqu’un meurt, et c’est comme une porte qui claque.
Mais si c’était un passage s’ouvrant sur d’autres paysages ?

Quelqu’un meurt, et c’est comme un silence qui hurle.
Mais s’il nous aidait à entendre la fragile musique de la vie ?

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 Guillaume Apollinaire « L’adieu »

J’ai cueilli ce brin de bruyère.
L’automne est morte, souviens-t’en.
Nous ne verrons plus sur terre
Odeur du temps, brin de bruyère,
Et souviens-toi que je t’attends.

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Alphonse de Lamartine - "Pensées des morts" (extrait)
Tiré du recueil Les Harmonies poétiques et religieuses

C'est alors que ma paupière
Vous vit pâlir et mourir,
Tendres fruits qu'à la lumière
Dieu n'a pas laissé mûrir!
Quoique jeune sur la terre

Je suis déjà solitaire

Parmi ceux de ma saison,

Et quand je dis en moi-même :

"Où sont ceux que ton coeur aime ?"
Je regarde le gazon.
 C'est un ami de l'enfance
Qu'aux jours sombres du malheur
Nous prêta la Providence
Pour appuyer notre coeur ;
Il n'est plus : notre âme est veuve
Il nous suit dans notre épreuve
Et nous dit avec pitié :
"Ami si ton âme est pleine,
De ta joie ou de ta peine
Qui portera la moitié ?"
 
C'est une jeune fiancée
Qui, le front ceint du bandeau,
N'emporta qu'une pensée
De sa jeunesse au tombeau ;
Triste, hélas ! dans le ciel même,
Pour revoir celui qu'elle aime
Elle revient sur ses pas,
Et lui dit : "Ma tombe est verte !
Sur cette terre déserte
Qu'attends-tu ? Je n'y suis pas !"
 
C'est l'ombre pâle d'un père
Qui mourut en nous nommant ;
C'est une soeur, c'est un frère
Qui nous devance un moment,
Tous ceux enfin dont la vie
Un jour où l'autre ravie,
Emporte une part de nous,
Semblent dire sous la pierre :
"Vous qui voyez la lumière,
De nous vous souvenez vous ?"

***  Voir aussi : La mort n'est rien  ***

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<< Christian Broussas • Consolation © CJB  ° 02/01/ 2021  >>
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jeudi 7 janvier 2021

Salut l’ami

On dit que tant qu’on est vivant dans le cœur
D’un être aimé, on n’est pas tout à fait mort,
Que demeure la petite flamme intime
Qui, tout au tréfonds de l’âme, nous anime ?

Cette petite flamme, elle est là, blottie
Au sein de ce lien ultime qui nous unit,
Elle est bien là en nous comme une lumière
Qui dans les moments difficiles nous éclaire
Ainsi comme une espèce de fidélité
Au cœur du mystère de notre amitié.

 
Après ce qui fut comme une sidération
Et son long cortège d’interrogations,
Et ce malgré le fil interrompu hélas,
Reste tout ce temps qui a imprimé sa trace.

Comme a écrit René Char à la mort d’un ami,
Encore tout imprégné du poids de son absence :
« Avec celui qui n’est plus, celui qui est parti,
On ne peut plus parler, mais ce n’est pas le silence. »

Sans rien qui puisse aider à conjurer le sort,
Je sais bien qu’au fond de moi, tu resteras
À tout jamais dans nos pensées, cher à nos cœurs,
Avec cette idée que quelque part tu es là.

   

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<< Christian Broussas • Salut l'ami © CJB  ° 28/12/ 2020  >>
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Souvenirs d'enfance

 

Je repense avec nostalgie
À nos petites espiègleries
Et à nos trop sages folies,
Les soirées passées entre amis,
Avec beaucoup de peine aussi
Maintenant que tu es parti.

Puis-je alors faire revivre,  
Comme dans les pages d’un livre, 
Quelques-uns de nos souvenirs
Les joies simples de nos plaisirs,
Qu’on évoque avec retenue
Dans de petits sourires émus.

Je nous revois comme si c’était hier
Quelque part du côté de la Ferrandière,
Déambulant tout en faisant les fiers
Avant de repartir vers la rue Paul Bert,
Goûtant simplement la vie et le présent,
Traînant alors nos rêves d’adolescents.

Je le revois si bien encore aujourd’hui
L’ami, alors au zénith de sa vie,

Quand par la rue Saint-Eusèbe, il arriva
Simplement, juché sur sa belle Jawa,
Nous proposant une petite virée
Sur sa moto dans les rues du quartier.

Je le revois encore arriver un soir
Assis au volant de sa vieille Panhard
S’arrêtant un moment rien que pour nous voir.
C’était notre vie, c’était notre histoire.

     

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<< Christian Broussas • Enfance © CJB  ° 26/12/ 2020  >>
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dimanche 3 janvier 2021

Petits dialogues III

       

Sacré premier mai

Ah le premier mai, le muguet, quelles senteurs magiques s’exhalent de ces petits bouquets aux clochettes blanches !
Mais où est-elle donc cette fameuse fragrance, si agréable à nos narines, invisible, insaisissable. Pourtant elle existe bien puisqu’on peut respirer son parfum. Ce rien non préhensible existe bel et bien, donc le rien existe et en tant que tel, il n’est pas rien. Tel est le paradoxe de la physique :
Si tout est dans tout, rien n’est pas dans rien.

Ah, je me sens vide tout à coup, comme une espèce d’ensemble constitué de riens, confronté au néant. Mais le néant n’est pas rien puisque Jean-Paul Sartre par exemple lui a consacré tout un bouquin, l’être et le néant. Le néant est donc pour le moins constitué de pages et d’encre. Ce n’est pas rien !
Tout de même, sacré brin de muguet ! Vivement le 2 mai !

Salade et rhubarbe

Les occasions de rire ne sont pas si nombreuses, alors quand Sarkozy prend la parole, il faut en profiter. "Passe-moi la salade, je t'envoie la rhubarbe", telle est la nouvelle formulation à  la sauce "sarkosienne" du dicton « passez-moi la rhubarbe, je vous passerai  le séné ». Pourquoi pas, passe-moi la carotte, je t’envoie le navet ? Sacré navet… et en direct !

Les internautes s’en sont donné à cœur joie et j’ai relevé pêle-mêle :
- Quelle salade ? La moutarde lui est montée au nez en voulant ménager la chèvre et le chou !
- Qui peut me passer la rhubarbe, j’ai la salade ?
- Cette nuit, cauchemar : j’ai rêvé que je passais la salade et on ne me renvoyait pas la rhubarbe (ou elle était pourrie) !
-Sarkozy, arrête tes salades ou tu vas prendre une tarte (à la rhubarbe).
- Si tu me donnes des noix de coco, je te donne des ananas.
- Salade de rhubarbe : sauce républicaine.
- Au choix : salade et rhubarbe ou carottes et navets
- Ça me rappelle les paris à la noix où il faut placer des mots incongrus comme rhubarbe dans une réunion.
- La vérité éclate : Sarkozy est en fait un générateur de phrases aléatoire !

Pour mémoire, ces quelques vers de Georges Brassens tirés d’une de ses chansons :
- Et nous, copains, cousins, voisins,
- Profitant ( on n’est pas des saints)
- De ce que ces deux imbéciles
- Se passaient rhubarbe et séné,
- On s’partageait leur dulcinée.

Chez Brassens, ça rime, chez Sarkozy, ça rime à rien !

     

Le pigeon pigeonnant

Ah, pour pigeonner, ça pigeonnait ! Court vêtue, elle ne passait pas vraiment inaperçue à la fête foraine. Mon copain Max qui la connaissait lui fit la bise et l’apostropha :
- Ben dis-donc, ça pigeonne grandiose aujourd’hui ! Tu es bonne pour figurer dans le "tableau d’une exposition". À mon humble avis, tu en montres trop ou pas assez.

Elle paraissait assez flattée de cette remarque, nous gratifiant d’un charmant sourire.
- Ah, je vois que j’ai affaire à un connaisseur, lui répondit-elle du tac au tac, tandis que sa copine riait franchement.

- Enfin, en ce qui me concerne, ce serait plutôt « pas assez » mais bien sûr les goûts et les couleurs, ça ne se commande pas, n’est-ce pas ! Ah, le tissu est cher, on a beau tirer sur les bords de la mini jupe, pas moyen de la rallonger… à moins d’acheter de ces jupes à taille unique… C’est pratique, tu sais, en tirant dessus on passe illico du 38 au 46… magique hein.

Magnanime, elle répondit toujours en souriant : « Et bien messieurs, vous êtes en présence d’une taille 40 et d’un superbe 95 B bleu et rose à dentelles. » 

Mon ami continua sur le même registre, toujours tout sourire, me poussant du bras pour le soutenir et abonder dans son sens. La détaillant du regard, j’ajoutais alors d’un air faussement sérieux :

- Et… c’est tout du naturel, aucune volonté de tricher avec la nature ? À notre époque on ne sait jamais… on vit une drôle d’époque quand même. Il vaut mieux se méfier des apparences… et procéder aux vérifications nécessaires.

Si vous aviez vu la tête qu’elle nous fit ! Offusquée et même offensée la demoiselle qui nous jura tous ses dieux que tout était dans un état que nul bistouri n’avait jamais effleuré ! Écologique en quelque sorte, sans adjuvent, sans bouts de plastique ou de polystyrène pour tricher avec la nature.

- Attention, dans ce cas-là, il y aurait matière à poursuivre pour faux et usage de faux, publicité mensongère, tromperie sur la marchandise… poursuivit mon ami, qui exploitait le filon.

Et bien sûr, nouvelles dénégations de la demoiselle qui nous tira élégamment une petite langue toute rose.

- Ah, aaah… rétorqua Max, moi je veux bien te croire sur parole mais quand même, il me faudrait une preuve dûment attestée par une rigoureuse palpation.
- Ah, non, non, non, on ne touche pas messieurs, pas question, vous devez me croire sur parole, dit-elle en jouant toujours le jeu.

Bien sûr, sans conviction, on en rajouta encore un peu sur les "fraudes à la personne" mais elle se tapa sur les fesses en nous défiant.
C’était un sacré tempérament !
Max en profita.
- Pas la peine d’essayer de te regarder les fesses, tu n’y arriveras pas. Tu peux tout juste attraper un torticolis. Demande-moi plutôt. Moi au moins, je suis bien placé… très bien placé… et l’œil du spécialiste en plus…
Ah, le galbe est parfait, surenchérissais-je.

Avec un petit rire mutin, elle nous fit une moue hautaine :
- Rangez donc vos blagues salaces, petits sacripants. Alors attention jeunes gens intrépides, pas touche, on regarde mais on ne touche pas. En matière de drague, vous avez beaucoup de progrès à faire et en tout cas, aujourd’hui vous êtes recalés, pas même admis à l’oral de rattrapage !

Et elle partie, impériale sur ses talons, nous laissant tous les deux piteux et sans voix. Décidément, ce n’était pas notre jour.

Le dernier Kiwa

Dimanche après-midi, belle exposition de voitures anciennes au camping de Saint-Amour dans le Jura. Pas forcément très anciennes d’ailleurs mais quand même, quelques beautés qui s’étaient justement fait une beauté pour l’occasion : des américaines arrogantes aux amples formes, des françaises rutilantes, coquettes, les incontournables Citroën Traction avant et DS 19 ; seule une "Trèfle" de 1938 trônait au milieu du site.

En fait de vieilles voitures, la plupart n’étaient pas plus vieilles que moi, certaines étaient même plus jeunes ! Je leur en ficherais moi, des vieilles voitures à cs malappris!

Côté matériel agricole, beaucoup de tracteurs dont les plus anciens crachaient une fumée noire, hoquetant, trémulant de toute leur vieille mécanique devant l’air satisfait de leur propriétaire. Et puis à la fin de la file, une espèce de tracteur à trois roues que je reconnus sans peine : un Kiwa, le fameux Kiwa qui avait accompagné ma jeunesse. Ici, dans ce département montagneux, on était trop pauvres pour avoir de "vrais" tracteurs, et puis avec des pâturages si pentus…

Ah le Kiwa, qui se souvient de cet engin à trois pattes qui pétaradait sur les chemins de la commune dans les années d’après-guerre. Teuf, teuf, teuf, le crapeau cahotait en cadence au gré de son moteur diesel qui le propulsait à la vitesse d’une tortue,

 Teuf, teuf, teuf, on riait quand le grand Berre passait sur son Kiwa par la place du village, grand échalas maigre comme un clou qui tressautait au rythme de son engin, hop, hop, hop, sa casquette tressautant au même rythme

Le suivait de près son frère Julien, même gabarit, toujours juché sur un Kiwa, qui tressautait au même rythme, teuf, teuf, teuf , dont le béret se soulevait avec la même fréquence, hop, hop, hop… et nous qui riions à gorge déployée du spectacle assez croquignole qui s’offrait à nous… avec quelques commentaires adéquats.
- Oh Julien, ça crépite ben aujourd’hui sous ta casquette.

Il nous jetait un regard du côté, mine de rien. On continuait de plus belle.
- Oh la la, t’as bien raison Julien, "qui va sano va lentano"…

Et là, il nous montrait une face marquée par un fort tarin en bec d’aigle et nous lançait des « petits saloupiots, j’va vous apprendre à vivre moi » parce qu’il croyait que c’était une insulte !

Au retour des champs, pour peu qu’on fût encore en faction sur la place, même spectacle. Et même rires, mêmes quolibets et mêmes réactions.
La cerise sur le gâteau, c’est quand au retour des champs, les deux frères revenaient ensemble.

    

Je suis une femme

(Elle) - Je te l’avais bien dit que ça devait arriver, de te méfier de ce type. Depuis le début, j’avais l’intuition qu’il n’était pas fiable, que tu ne devais pas lui faire confiance.
(Lui) - L’intuition, l’intuition… Tu en as de bonnes. Et d’abord, d’où diable tiens-tu cette fameuse intuition ?
(Elle, l’air mutin , le toisant) - Je suis une femme…
(Lui, soudain  sarcastique, la regardant drôlement) – Je m’en doutais…
(Elle, surprise, désarçonnée) – Comment ça, tu t’en doutais !
(Il lui tourne autour) – Tes atours sont tes atouts ma chère… et selon toutes les apparences, tu es une femme et même une très belle femme si je peux me permettre…
- Comment ça, "selon toutes les apparences" !
Ah, effectivement, les apparences sont parfois trompeuses, on voit passer une  femme superbe (qu’on contemple en esthète bien sûr), mais ce n’est peut-être qu’un travelo en chasse… À qui se fier… Oh, terribles apparences…
(Elle, lui tournant autour, l’air aguicheur) - Et moi, quand tu me regardes…
(Lui, la regardant, l’air dubitatif) – Ah, tu es bien une femme… oui (elle lui sourit, ravie), oui mais à 99% sans doute, ce qui est un score fort honorable.
- Voilà qu’il me note à présent ce goujat, qu’il me tourne autour comme si j’étais un animal de foire (en aparté : Ah, quelle humiliation)
(Lui, l’air dégagé) - Je ne voudrais pas jouer les mufles ni passer pour un rabat-joie, mais comme disait Alfred de Musset « il ne faut jurer de rien »
- Oh, je ne resterai pas plus longtemps pour écouter des insanités, des horreurs sur mon compte !
(Il la regarde longuement) - Pourquoi te maquilles-tu, un peu de rouge par ci, un peu de noir pas là… et le coiffeur, et une robe neuve… la panoplie des sept péchés capiteux. Hein, pourquoi à ton avis ?
(Elle, outrée) - Quelle question ! Mais pour être belle tout simplement.

     

- Bien sûr, comment n’y ai-je pas pensé ! Pas du tout et tu sais fort bien pourquoi. C’est uniquement pour sauver les apparences, c’est uniquement pour ça que tu perds au moins trois quart d’heure chaque matin à te pomponner.
- Oh, trois quart d’heure, tu exagères ; les hommes exagères toujours… à peine une petite demi heure, et encore…
- Bon, passons sur les attentes interminables devant une salle de bain squattée sans vergogne…
- Qu’en sais-tu donc ?
- Justement, justement, le maquillage n’est finalement qu’un indice… mais revenons à mon propos selon lequel il ne faut jamais se fier aux apparences ? Ma chère, connais-tu la blague de Caro, la fille au tableau ?
Absolument pas. Quelle manie ont les hommes de raconter des blagues qui sont d’ailleurs pour la plupart sans intérêt et ne font rire qu’eux.
- C’est toujours ça de pris comme on dit. Mais celle-ci est une belle métaphore de mon propos… (face à une moue dubitative) Si, si, je t’assure…
- Va pour la blague !
- Un jour à l’école, l’instit doit aller voir le directeur et désigne Caro pour surveiller la classe pendant son absence. Elle s’installe derrière le bureau de l’instit et, évidemment, les garçons au fond de la classe tentent de la chahuter. En chœur, ils reprennent l’antienne bien connue : « Elle a pas d’culotte, elle a pas d’culotte… » et la fille culottée (si l’on peut dire) ne se dégonfle pas : toute fière, elle  soulève sa robe et exhibe une magnifique culotte toute en dentelles. Tous applaudissent  sauf Toto, un petit malin près du radiateur (comme il se doit) qui s’écrie : « Elle a pas de poils, elle a pas de poils… » La pauvre Caro ne sait que faire face à l’affront délibéré de Toto. Et alors, et alors, [comme dit la chanson] que se passa-t-il ? Et bien, « L’instit est arrivé, sans s’presser…» 
(haussant les épaules) - C’est malin comme chute mais je ne comprends toujours pas où tu veux en venir avec ta métaphore douteuse…
- C’est pourtant simple : Toto avait tout compris, il utilisait la méthode expérimentale qui veut qu’on vérifie toujours une proposition, aussi intuitive fut elle.  (Lui, doctrinal, un doigt levé) - La rigueur scientifique veut qu’il faille se méfier des déductions hâtives et des apparences (souvent trompeuses) et toujours pousser les investigations jusqu’au bout. Une véritable enquête policière.
(Elle, faussement désarçonnée) - Ah, elle a bon dos la rigueur scientifique… Ce nommé Toto ne te ressemblerait-il pas quelque peu ?
(Lui, faussement courroucé) - Remettrais-tu en cause Claude Bernard et sa méthode expérimentale, les fondements de l’esprit scientifique ?
- Ce que je remets en cause, ce serait plutôt ton esprit tordu qui fait flèche de tout bois et n’hésite pas à recourir à des arguties honteuses, à te cacher derrière une rigueur que tu prônes quand ça t’arrange.
- Dis que je suis de mauvaise foi. Prête-moi tes sentiments pendant que tu y es ! Il me semble qu’en matière de mauvaise foi, tu es une spécialiste.
- Je ne sais où j’ai lu que « l’on appelle mauvaise foi les convictions d’autrui qu’on ne partage pas. » Éclairant, n’est-ce pas ?
- Puisque nous en sommes aux échanges d’amabilités, moi je sais où j’ai lu que la mauvaise foi est « un mensonge à soi » a écrit Jean-Paul Sartre,  mais même si tu te mens, tu me mens aussi par la même occasion.
- Ne te cache pas derrière Sartre ou d’autres du même acabit… d’ailleurs Sartre n’est qu’un affreux macho qui a trompé sans vergogne sa Simone sous de fallacieux prétextes de liberté sexuelle et autre fariboles.  Ouais, un sale macho, empereur de la mauvaise foi.
- Eh ben, Sartre ne te rend pas spécialement philosophe !

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Horoscope personnel

Béliers : Mauvais présage, on pourrait bien vous tondre comme un mouton. Et pas question de « mais, mais… » !
Taureaux : Vous risquez de voir rouge... et dans ce cas vous allez être "olé", olé" toute la journée.
Gémeaux : Si vous apercevez votre image dans une glace, rassurez-vous, ce n'est pas un clone.
Cancers : Méfiez-vous de vous-mêmes : vos "instincts métastasiques" vous poussent à "foutre la merde" partout.
Lions : Vous êtes le roi, bien sûr, mais le roi de quoi ? Réfléchissez bien ! Aujourd'hui, sans aucun doute, celui que chantait Brassens !
Vierges : Le mot lui-même est une provocation. Pour tous les menteurs (et menteuses) de ce signe, pour les vierges sages, devenez folles, pour les vierges folles, est bien "fol qui s'y fie".
Balances : Faire pencher un plateau de la balance risque d'être pour vous un fléau.
Scorpions : Le scorpion de feu de la légende pourrait bien sévir envers tous ceux qui n'ont pas la conscience tranquille (et ils sont nombreux !)
Sagittaires :  Tous les sagittaires (avant de s'en servir) risquent d'être bouchés aujourd'hui... et ils ne sont pas dans la merde !
Capricornes : Eh oui, c'est foutu... Capri c'est fini. Et quant aux cornes, consolez-vous, vous n'êtes pas les plus mal placés; y'a pire!
Verseaux : Verseau... "litaire" ou pas... mais aussi de la belle eau du diamant.
Poissons : Attention, les dames poissons pourraient bien tomber sur un maquereau qui les prenne pour des morues.

Les noisettes grillées

X1 « J’étais au marché l’autre jour, furetant dans les allées à la recherche de bonnes affaires, quand mon nez fut attiré par une tenace odeur de noisette grillée qui s’échappait d’un étal un peu plus loin. ».
X2 : « Je reconnais bien là ton sens du concret ».
X1 : « Une agréable fragrance de parfum m’aurait aussi fort intéressé. »
X2 : «  Te connaissant, je n’en doute pas. » 
X1 : « Je suivis donc la trace odorante qui menait à une grande poêle où rôtissaient de petites noisettes toutes rondes qu’on enduisait ensuite de chocolat. »
X2 : « Je me doute bien que tu n’as pas été attiré par une odeur de courge ou de choux-fleurs. »
X1 : « Mon regard fut tout de suite attiré par de petites coupelles pleines d’une pâte chocolatée particulièrement appétissante.
X2 : « "Goûtez monsieur, goûtez notre spécialité aux noisettes pilées et grillées", me proposa une charmante jeune femme avec son plus joli sourire.
X1 : « "Quoi, fis-je en feignant moult grimaces, vous maltraitez ces pauvres noisettes qui n’ont même pas une société protectrice pour lui venir en aide !" Elle me regarda comme si j’avais eu une soudaine éruption de boutons. »
X2 : « Dis plutôt que tu n’avais rien trouvé de mieux pour la draguer. Ah, les hommes, ils voient un jupon et hop… c’est parti ! »
X1 : « Pas du tout, pas du tout, quel malignité instilles-tu dans ma petite plaisanterie. Tout juste une petite galéjade pour faire connaissance. »
X2 : « Tu vas encore me dire que j’interprète ta pensée… Je te connais. »
X1 : « "Oui, poursuivis-je, vous les grillez sans pitié, vous les vouez au feu de l’enfer sans vergogne et vous finissez par les écraser dans des étaux de pierre". Si vous aviez vu sa tête ! L’air ahuri, un rien pincé comme si je l’avais insultée, quand un grand rire sonore a retenti derrière elle. Son mari sans doute. Toute rouge, elle a déguerpi en haussant les épaules. »
X2 : « La pauvre, tu l’as humilié, oui, sans vergogne. »
X1 : « Je lui ai quand même acheté un grand pot à la fameuse poudre de noisettes grillées. »

     

Dérèglement climatique.
Noé et l’administration


> > En 2015 après Jésus-Christ, Dieu visite Noé junior et lui dit : « Une fois encore, la terre est devenue invivable et surpeuplée. Construis une  arche et rassemble un couple de chaque être vivant ainsi que quelques bons humains.  Dans six mois, j'envoie la pluie durant quarante jours et quarante nuits, et je détruis tout !"
> >
> > Six mois plus tard, Dieu retourne visiter Noé et ne voit qu'une ébauche de construction navale.
> > - Mais, Noé, tu n'as pratiquement rien fait ! Demain il commence à pleuvoir !
> > - Pardonne-moi, Tout Puissant, j'ai fait tout mon possible mais les temps ont changé : J'ai essayé de bâtir l'arche mais il faut un permis de construire et l'inspecteur me fait des ennuis au sujet du système d'alarme anti-incendie.
> >
> > - Mes voisins ont créé une association parce que la construction de l'échafaudage dans ma cour viole le règlement de copropriété et obstrue leur vue. J'ai dû recourir à un conciliateur pour arriver à un accord.
> >   - L’urbanisme m'a obligé à réaliser une étude de faisabilité et à déposer un mémoire sur les coûts des travaux nécessaires pour transporter l'arche jusqu'à la mer. Pas moyen de leur faire comprendre que la mer allait venir jusqu'à nous. Ils ont refusé de me croire.
> >  
> >  - La coupe du bois de la construction navale s'est heurtée aux multiples Associations pour La Protection de l'Environnement sous le triple motif que je contribuais à la déforestation, que mon autorisation donnée par les Eaux et Forêts n'avait pas de valeur aux yeux du Ministère de l'environnement, et que cela détruisait l'habitat de plusieurs espèces animales. J'ai pourtant expliqué qu'il s'agissait, au contraire de préserver ces espèces, rien n'y a fait.
> >
> >  - J'avais à peine commencé à rassembler les couples d'animaux que la SPA et WWF me sont tombés sur le dos pour acte de cruauté envers les animaux    parce que je les soustrayais contre leur gré à leur milieu naturel et que je les enfermais dans des pièces trop exiguës.
> >
> > - Ensuite, l'agence gouvernementale pour le Développement Durable a exigé une étude de l'impact sur l'environnement de ce fameux déluge. Dans le  même temps, je me débattais avec le Ministère du Travail qui me reprochait de violer la législation en utilisant des travailleurs bénévoles. Je les avais embauchés car les Syndicats m'avaient interdit d'employer mes propres fils, disant que je ne devais employer que des travailleurs hautement qualifiés et, dans tous les cas, syndiqués.
> >
> >   - Enfin le  Fisc a saisi tous mes avoirs, prétextant que je me préparais à fuir illégalement le pays tandis que les Douanes menaçaient de m'assigner devant les tribunaux pour "tentative de franchissement de frontière en possession d'espèces protégées ou reconnues comme dangereuses".
> >  Aussi,  pardonne-moi, Tout Puissant, mais j'ai manqué de persévérance et j'ai abandonné ce projet.
> >
> > Aussitôt les nuages se sont dissipés, un arc-en-ciel est apparu et le Soleil a lui.
> > Tu renonces à détruire le monde ? demanda Noé.
> > Inutile, répondit Dieu, l'administration s'en charge.

 

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