mercredi 17 mars 2021

Quelqu'un (En guise d'au-revoir II)

 En guise d'au-revoir II

                    

Quelqu’un vient de quitter notre monde
Et c’est toujours son esprit qui nous inonde.

Quelqu’un part pour rejoindre la tombe
Mais ce n’est guère que son corps qui succombe.

Quelqu’un s’éloigne et son corps s’efface
mais il conserve pour nous toute sa place.

Quelqu’un disparaît et n’a plus d’âge
Mais on garde en soi, dans son cœur, son image.

Quelqu’un s’en va et c’est le silence
Pense -t-on, mais ce n’est guère qu’une absence.

Quelqu’un se meure, causant nos pleurs
Mais il est parmi nous, si cher à nos cœur.

Quelqu’un va rejoindre l’autre monde
Mais nous recevons toujours ses douces ondes.

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<< Christian Broussas • Quelqu'un © CJB  ° 13/03/ 2021  >>
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lundi 1 février 2021

Toi et moi

       

Toi
Et moi,
Maintenant
Tout simplement,
Sans penser au temps
Et ce qui nous attend.
Oh, je n’ai aucun message
Et je suis juste de passage,
Je voudrais vraiment de tout mon cœur
Trouver les mots, trousser la métaphore
Pour mieux vous décrire son port de madone
Et dire aussi tout le bonheur qu’elle me donne.
C’est dans tout son éclat qu’elle m’apparaît
Et que se profilent tous ses attraits.
Une onde mystérieuse passe
Et s’insinue dans mon espace :
Tu es mon éternité,
Ma seule vérité,
J’effleure ta joue
Encore un peu,
Simple jeu
Pour nous
Deux.

       

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<< Christian Broussas • Toi & moi © CJB  ° 01/02/ 2021  >>
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jeudi 21 janvier 2021

La traîtrise - Entre deux chaises

              

« À surveiller » m’ont-ils dit. Comme si j’étais un pro de la filoche ! Avec ma gueule chafouine et mon air de n’être nulle part à ma place, pas de risque que je passe inaperçu. Pas question de jouer les passe-muraille. 

« À la première occasion, tu les infiltres » éructe Modus, d’un ton sans réplique,  qui a une dent contre le type qui vient de prendre les rênes de la bande rivale. Comme si ça allait se faire tout seul. Ça m’énerve ce genre de gus qui se la racontent, qui croient que parler suffit.  Avec moi, pas besoin de prendre des gants, devait-il penser. Commander, obéir, à chacun son rôle.  Naturellement, je ne dis rien, ça servirait juste à provoquer des embrouilles.  « Tu les infiltres. » Tu parles ! Cause toujours, je me disais, tu verras bien. J’ai assez de mauvaise foi pour trouver toutes les bonnes et les mauvaises raisons du monde…
« Le syndrome de l’âne » disait mon pote Jean-Michel, une bonne ruade le moment venu et pan,  dans le décor le chiant ! Ruer comme la mule du pape d’Alphonse Daudet, ruer des quatre fers comme monnaie de leur pièce. J’en rêvais.

 En fait, j’en voulais moins à Modus qu’à ses lieutenants, des laquais qui ne pensaient qu’à faire exécuter servilement ses ordres. Et pas question de se défiler, de se justifier ou de rejeter la faute sur d’autres. Il fallait se la jouer beaucoup plus fine. 

Oh, j’ai l’habitude de ces mecs qui me prennent pour leur larbin mais on verra, on verra bien.  J’adore brouiller les cartes.  À jouer au con, avec moi ce sera à fleurets mouchetés.  Pour le moment, je me sens comme en quelque sorte une marionnette au bout d’une ficelle.   Des donneurs de leçons, « tu fais comme ci, comme ça, t’as pas réfléchi, pas assez réactif… » C’est facile pour ceux qui ont le pouvoir.

J’aurais tort de me plaindre, rien de nouveau dans ce bas monde. Toujours  ceux qui sont servis, ceux qui dansent et ceux qui bossent, ceux qui triment à la cuisine et ceux qui s’amuse dans la salle de séjour. À chacun son ghetto.
De toute façon, on est toujours le larbin de quelqu’un.

Bon, en attendant, j’avais avalé ma pilule, basta.  Jean-Michel était venu me réconforter. « T’en fais pas, c’est une grande gueule le Modus mais au bout de cinq minutes, il n’y pense plus. Il est passé à autre chose. » Gentil le Jean-Michel, j’appréciais sa sollicitude mais le Modus ne lâcherait pas le morceau comme ça. Il allait falloir que je m’en occupe dare-dare de cette foutue affaire.

          

La salle était plutôt rococo avec ses grosses moulures colorées, ses énormes lustres d’un autre temps avec leurs prismes et leurs lourdes pendeloques poussiéreuses en cristal, qui servaient maintenant de décoration. Des rideaux épais aux de velours violacé complétaient un décor vieillot. Comme d'habitude on joua au poker à grands renforts d'exclamations. Une bagarre éclata entre deux joueurs, bien chauffés par l’alcool, comme un orage subit. Pas d’éclairs, de tonnerre annonciateurs. Un barouf de cris et de chaises renversées. Ça ne dure pas longtemps. On panse les petits bobos, on remet les chaises den place. Tout s’achève. On en reste là ; question d’habitude.  

Il y a des contentions comme ça, petits egos rabaissés, susceptibilités blessées, histoires de femmes… Ça cuit et ça recuit et un jour ça pète comme un orage qui crève. Un orage, ça peut faire des dégâts mais ça passe vite.
À chacun son petit pouvoir.
Le premier alla panser ses plaies aux toilettes sous l’œil narquois de son adversaire. On attendra la revanche. Ça met du piquant à ces réunions qui s’éternisent et mettent parfois les nerfs à vif.

Modus et ses sbires se sont à peine aperçus du tintamarre provoqué par la bagarre, largement couvert par les rires et les applaudissements de ceux qui s’efforcent de s’amuser et de mettre de l’ambiance. Mais le cœur n’y est plus. Personne n’ose partir tant que Modus n’a pas donné le signal du départ. Ce serait considéré comme un manque de respect et on ne manque pas respect au chef. On fait gaffe.
Ça me rappelle l’histoire chef de clan régnant sur sa maisonnée. À la fin du repas, nul n’aurait oser faire mine de se lever avant que le patriarche n’ait donner le signal de fin du repas en fermant ostensiblement son couteau.
Le couteau, symbole du sceptre suprême et du pouvoir absolu. C’est pas beau ça ! En attendant, je continuais de faire mon service et de proposer des boissons à des gens qui n’avaient plus soif depuis longtemps.

              

La soirée d’éternisait. 
Modus et ses amis les plus proches, le grand Jacques et les jumeaux, discutaient dans un coin retiré avec des têtes  de comploteurs. Simple jeu ou confidences ? Je m’en approchais l’air de rien avec  un plateau chargé de verres. Chargés, c’était bien le cas vu le nombre de bières et d’autres boissons s qu’ils s’étaient envoyés, ils étaient bien chargés, même s’ils encaissaient bien.
À peine arrivais-je près d’eux qu’ils se turent, prirent un verre sur le plateau avant de reprendre leur conversation. J’eus quand même le temps de happer quelques mots au passage bonne affaire, bascule,
Apparemment, ils discutaient  business et magouille.

Les autres s’ennuyaient ferme et feignant de s’amuser, deux couples dansaient entre les chaises, pour s’occuper. Quand je ne sais qui prit l’envie de faire la ronde autour de la table du buffet ; On tourne dans un sens puis dans l’autre  et de jouer. En puis tout retomba comme un soufflé. Modus dut enfin s’en apercevoir car il se leva, adressa à tous un petit sourire distant et disparut dans le couloir.
Il ne nous restait plus, nous les serveurs et les larbins, qu’à tout nettoyer et remettre en ordre. Même pas besoin de nous le dire. On connaissait la chanson.

Des bruits de rues, des éclats de rire dans la nuit. Ce n’était que les derniers convives qui s’égayaient bruyamment en regagnant leur voiture. Tout s’estompa rapidement, ne restait dans la salle que le cliquetis,  les bruits étouffés des couverts et de la vaisselle qu’on manipulait.   

                

Deux jours plus tard, Modus me relance ou plutôt me convoque en m’envoyant De Laine, son factotum. Je poirote une heure (je m’en sors bien) avant qu’il daigne s’apercevoir de ma présence. Simplement pour me dire sans ambages : « Trouve-moi vite toutes les infos que tu peux sur le freluquet qui a remplacé le gros Louis. Tout ce que tu peux ; et grouille-toi ! » Genre "débrouille-toi, t’as carte blanche. "  

Évidemment je ressors furibard et je fais trois fois le tour du quartier pour me calmer sans savoir par quel bout prendre le problème.
Le bistrot était du genre miteux. Du genre vieille baraque "dans son jus". Ce qui voulait dire qu’il était rester dans le même état depuis un bon demi siècle, que le taulier ne lui avait consacré la moindre goutte de peinture ou la moindre truelle de plâtre. Le comptoir s’était patiné d’une couche de crasse qui avait gommé les motifs qu’on devenait encore ici ou là.

Le patron me regarda d’un œil torve, un type de passage devait-il se dire, qui voulait quoi au juste ? On n’entrait pas par hasard dans ce lieu perdu dans l’une des ruelles qui sillonnent l’arrière de la grande place. 
« Je vous sers quoi ? »
Le patron me lance un œil torve, je suis nouveau donc suspect, tout en essuyant la table devant lui.
- Une bière.
- Quoi comme bière ? Corona, pression…
- Je m’en fous.
Et je vais taquiner la babasse en jetant un œil dans tous les coins. Vu le nombre de clients, l’investigation est rapide. Je fais durer le temps en enchaînant quelques parties quand mon type se pointe son nez à la porte.  Je dis "mon type" parce que c’est nom que m’a craché un des jeunes chargés du guet dans "la bande du freluquet" comme dit Modus.

Les relations ici, c’est difficile à expliquer. Il faut être du sérail pour y comprendre quelque chose. Ou alors connaître  quelqu'un dans le quartier qui connaît tout le monde et peut nous rencarder ou au moins nous dire comment éviter les embrouille. Je sors tout de suite du bistrot et je planque. Il ressort dix minutes plus tard en compagnie d’un type que je connais déjà. Voilà comment "j'ai mis un pied dans la porte". L'essentiel était fait. Le reste n'est que routine.

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<< Christian Broussas • Modus © CJB  ° 20/01/ 2020  >>
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mercredi 13 janvier 2021

Vieillir simplement

   

Vieillir simplement, c'est accorder son cœur
Sans se retourner ou s’inquiéter de l’heure,
Être plus serein et conjurer ses peurs,
Car, à chaque âge, se rattache un bonheur.

Vieillir simplement, c'est vieillir dans son corps,
Le garder en forme pour se sentir fort,
Ne jamais abdiquer face à un effort
Et toujours savoir reconnaître ses torts.

Vieillir simplement, c’est aller vers les autres
Et leur dire que leurs peines sont les nôtres,
Que l’on peut toujours compter sur ses amis
Pour faire face aux aléas de la vie.

Vieillir simplement, c’est se dire aussi
Que rien ici n’est jamais vraiment fini,
Et que l’on pourra toujours chemin faisant
Goûter les plaisirs simples de chaque instant.

Vieillir simplement, c'est donner de l’amour,
Savoir donner sans rien attendre en retour,
Savoir aussi saisir le bonheur du jour,
Grappiller le temps sans penser à "toujours".

Vieillir simplement, c'est se bonifier,
S’approcher lentement de la vérité
Et se confronter à la rigueur des temps
Pour enfin savoir ce qui est important.

Vieillir simplement, c'est faire son devoir
Et être content en se couchant le soir.
C’est dans son for intérieur garder espoir
En se disant que c’est un simple au-revoir.

       

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<< Christian Broussas • Vieillir © CJB  ° 12/01/ 2020  >>
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vendredi 8 janvier 2021

Il en est ainsi de la beauté

       

Il en est ainsi de ces visages
Qui peu à peu deviennent sans âge
Sans qu’on puisse y prendre vraiment garde,
Ça se produit comme par mégarde
Nul ne peut savoir vraiment pourquoi,
Ici ne s’applique nulle loi,
Un temps qui se déchire soudain
Et n'ouvre sur aucun lendemain.



Il est parfois de ces paysages
Un peu trop lisses, un peu trop sages,
De cette beauté, comme de tout,
Devenue décor passe-partout
Et qui n’est plus qu’une pale image
Depuis que l'on a tourné la page,



D’un cœur qui ne bat plus la chamade,
D’un corps devenu un peu trop fade,
dont peu à peu on a fait le tour,
Dont on a épuisé les atours,
D’un être aimé mais trop prévisible
Auquel on n’est plus guère sensible,
De ces plaisirs précaires, hélas
Que l’on néglige et dont on se lasse.

    

Est-ce du monde qui nous entoure
Du créateur un de ses bons tours ?
Sans doute il en est fort capable
N’étant pas forcément toujours fiable,
Ou est-ce comme ça sans raison,
Quand tout s’effrite au fil des saisons ?

Il en est ainsi de cette vie
Si riche de toutes ses beautés
Et de tout ce qui nous semble acquis,
Cette beauté et tout son côté
Si fragile et éphémère aussi,
Rose destinée à se faner,
Elle qui incarne le paraître
Et, tôt ou tard, devra disparaître.

C’était un jour fait pour la beauté,
Une superbe journée d’été
Le corps étendu face à la mer
Ou même pendant un soir d’hiver
Bien pelotonné près d’un bon feu,
Quand vivre n’est plus un enjeu,
Le feu d’un automne mordoré,
D’un printemps aux reflets irisés.

La beauté est comme une présence
Et pour peu que le climat s’y prête,
On peut la vivre comme une fête,
Quand elle devient une évidence.

  

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<< Christian Broussas • La beauté © CJB  ° 05/01/ 2020  >>
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Le rêve d’Icare

       

Volez, volez donc de vos propres ailes
Longues et fuselées,  qui semblent si frêles,
Prenez votre élan, planez dans les airs,
Élevez-vous au-dessus de la terre
Fiers Icare, défiez la pesanteur,
Lancez-vous vite sans sentir la peur.

Volez loin du troupeau, sans être sages,
Le bonheur est ici dans les nuages,
Planez bien au-dessus des paysages,
Soyez comme des oiseaux de passage
Sans attaches, sans enjeux et sans cris,
Sans liens, la liberté est à ce prix.

N’hésitez pas, prenez bien votre envol,
Pour la liberté, il n’est nulle école,
Il vaut encore mieux jouer la bête,
Mettez-vous bien cette idée dans la tête.

Dans l’azur, on ne pense plus à rien,
On se laisse aller, on y est si bien,
Tant de bonheur et tant de plénitude,
Pour rompre enfin avec ses habitudes !

Car savez-vous, on n’exerce de rôles
que ceux qu’on s’est peu à peu infligés
Ou que ceux qu’on s’est laissé imposer,
Qu’on soit Saint Machin ou bien Saint-Paul,
Tout passe et tout lasse comme l’on dit,
Et c’est bien la seule philosophie.

  

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<< Christian Broussas • Rêve d'Icare © CJB  ° 03/01/ 2021  >>
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Toc, toc, toc

           

Toc, toc, toc, tombe froide pluie
En gouttes serrées, sans cesser,
Submerge-moi de ton ennui,
Tombe sans discontinuer
Cette terre assoiffée t’appelle,
Absorbe ce qui vient du ciel.
 
Cheminant au long de la route,
Je me faufile entre les gouttes 
Hop, hop, un pas sur le côté,
Un sautillement des deux pieds
Un salto, une pirouette,
La danse mouillée, c’est chouette.

Hop, hop, voilà mes pieds claquent
dans cette eau stagnante de flaques,
Toc, toc, toc, le vent me fouette,
J’en frissonne de tout mon être,
Lave-moi bien eau virginale
Dans ma longue quête du graal.

La pluie têtue sans s’arrêter
S’infiltre, me mouille les pieds
Mais tant pis tel Gene Kelly,
J’irai chanter sous la pluie,
Et danser avec Fred Astaire  
D’un pas aussi léger que l’air.

Ploc, ploc, ploc, la pluie s’épuise
En belles teintes qui s’irisent,  
Le ciel se vide, tout s’égoutte
Et déserte chemins et routes.
Même si le ciel se tarit,
Il n’empêche : l’eau c’est la vie.

     

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<< Christian Broussas • Toc, toc, toc © CJB  ° 01/01/ 2021  >>
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Poésie et consolation

  

La nuit n’est jamais complète. Paul Eluard

La nuit n’est jamais complète.

Il y a toujours, puisque je le dis,
Puisque je l’affirme,
Au bout du chagrin
Une fenêtre ouverte, une fenêtre éclairée.

Il y a toujours un rêve qui veille,
Désir à combler, Faim à satisfaire,
Un cœur généreux,
Une main tendue, une main ouverte,
Des yeux attentifs,
Une vie, la vie à se partager.

L’Arbre et la graine – Benoît Marchon

 Quelqu’un meurt, et c’est comme des pas qui s’arrêtent.
Mais si c’était un départ pour un nouveau voyage ?

Quelqu’un meurt, et c’est comme un arbre qui tombe.
Mais si c’était une graine germant dans une terre nouvelle ?

Quelqu’un meurt, et c’est comme une porte qui claque.
Mais si c’était un passage s’ouvrant sur d’autres paysages ?

Quelqu’un meurt, et c’est comme un silence qui hurle.
Mais s’il nous aidait à entendre la fragile musique de la vie ?

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 Guillaume Apollinaire « L’adieu »

J’ai cueilli ce brin de bruyère.
L’automne est morte, souviens-t’en.
Nous ne verrons plus sur terre
Odeur du temps, brin de bruyère,
Et souviens-toi que je t’attends.

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Alphonse de Lamartine - "Pensées des morts" (extrait)
Tiré du recueil Les Harmonies poétiques et religieuses

C'est alors que ma paupière
Vous vit pâlir et mourir,
Tendres fruits qu'à la lumière
Dieu n'a pas laissé mûrir!
Quoique jeune sur la terre

Je suis déjà solitaire

Parmi ceux de ma saison,

Et quand je dis en moi-même :

"Où sont ceux que ton coeur aime ?"
Je regarde le gazon.
 C'est un ami de l'enfance
Qu'aux jours sombres du malheur
Nous prêta la Providence
Pour appuyer notre coeur ;
Il n'est plus : notre âme est veuve
Il nous suit dans notre épreuve
Et nous dit avec pitié :
"Ami si ton âme est pleine,
De ta joie ou de ta peine
Qui portera la moitié ?"
 
C'est une jeune fiancée
Qui, le front ceint du bandeau,
N'emporta qu'une pensée
De sa jeunesse au tombeau ;
Triste, hélas ! dans le ciel même,
Pour revoir celui qu'elle aime
Elle revient sur ses pas,
Et lui dit : "Ma tombe est verte !
Sur cette terre déserte
Qu'attends-tu ? Je n'y suis pas !"
 
C'est l'ombre pâle d'un père
Qui mourut en nous nommant ;
C'est une soeur, c'est un frère
Qui nous devance un moment,
Tous ceux enfin dont la vie
Un jour où l'autre ravie,
Emporte une part de nous,
Semblent dire sous la pierre :
"Vous qui voyez la lumière,
De nous vous souvenez vous ?"

***  Voir aussi : La mort n'est rien  ***

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<< Christian Broussas • Consolation © CJB  ° 02/01/ 2021  >>
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jeudi 7 janvier 2021

Salut l’ami

On dit que tant qu’on est vivant dans le cœur
D’un être aimé, on n’est pas tout à fait mort,
Que demeure la petite flamme intime
Qui, tout au tréfonds de l’âme, nous anime ?

Cette petite flamme, elle est là, blottie
Au sein de ce lien ultime qui nous unit,
Elle est bien là en nous comme une lumière
Qui dans les moments difficiles nous éclaire
Ainsi comme une espèce de fidélité
Au cœur du mystère de notre amitié.

 
Après ce qui fut comme une sidération
Et son long cortège d’interrogations,
Et ce malgré le fil interrompu hélas,
Reste tout ce temps qui a imprimé sa trace.

Comme a écrit René Char à la mort d’un ami,
Encore tout imprégné du poids de son absence :
« Avec celui qui n’est plus, celui qui est parti,
On ne peut plus parler, mais ce n’est pas le silence. »

Sans rien qui puisse aider à conjurer le sort,
Je sais bien qu’au fond de moi, tu resteras
À tout jamais dans nos pensées, cher à nos cœurs,
Avec cette idée que quelque part tu es là.

   

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<< Christian Broussas • Salut l'ami © CJB  ° 28/12/ 2020  >>
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Souvenirs d'enfance

 

Je repense avec nostalgie
À nos petites espiègleries
Et à nos trop sages folies,
Les soirées passées entre amis,
Avec beaucoup de peine aussi
Maintenant que tu es parti.

Puis-je alors faire revivre,  
Comme dans les pages d’un livre, 
Quelques-uns de nos souvenirs
Les joies simples de nos plaisirs,
Qu’on évoque avec retenue
Dans de petits sourires émus.

Je nous revois comme si c’était hier
Quelque part du côté de la Ferrandière,
Déambulant tout en faisant les fiers
Avant de repartir vers la rue Paul Bert,
Goûtant simplement la vie et le présent,
Traînant alors nos rêves d’adolescents.

Je le revois si bien encore aujourd’hui
L’ami, alors au zénith de sa vie,

Quand par la rue Saint-Eusèbe, il arriva
Simplement, juché sur sa belle Jawa,
Nous proposant une petite virée
Sur sa moto dans les rues du quartier.

Je le revois encore arriver un soir
Assis au volant de sa vieille Panhard
S’arrêtant un moment rien que pour nous voir.
C’était notre vie, c’était notre histoire.

     

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<< Christian Broussas • Enfance © CJB  ° 26/12/ 2020  >>
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