mercredi 8 janvier 2014

Stendhal Lamiel

Stendhal commence à rédiger le brouillon de Lamiel en 1839 et il en poursuivra la rédaction toute sa vie sans parvenir à le terminer. Il ne paraîtra, inachevé, qu'en 1889 dans la dernière version qu'écrit Stendhal en mars 1841.

On s'est interrogé sur le personnage de Lamiel et  l'on pense que Stendhal se serait largement inspiré de deux de ses maîtresses, une jeune italienne Giulia Rinieri, qu'il connut en février 1830 et qui lui témoigna une grande tendresse et surtout Mélanie Guilbert avec qui il vécut en 1805-1806. Comme Mélanie, Lamiel est une belle blonde aux yeux bleus, "idéal de la beauté normande" précise-t-il. [1]
 


Le roman inachevé
Il est bien sûr tentant de penser à une fin de l'histoire, certains comme Jacques Laurent [2] y ont remédié à leur façon mais Stendhal lui-même nous a laissé des éléments, des pistes sur la façon -ou les façons- dont il envisageait de continuer son récit. 
Le roman s'achève sur Lamiel son héroïne, quittant la ville de Nerwinde. Selon les notes que Stendhal a laissées, il projetait de faire vivre (enfin) à Lamiel un grand amour avec le brigand Valbayre inspiré d'un bandit célèbre à l'époque, Lacenaire. Courtes amours d'un homme pourchassé et finalement exécuté, Lamiel "faisant une fin" en épousant le duc de Miossens. Mais la jeune femme, révoltée et voulant venger la mort de son amant, aurait perdu la vie dans l’incendie du Palais de Justice qu’elle avait elle-même allumé. Stendhal ne trancha jamais et finit par abandonner Lamiel pour se consacrer à d'autres projets.

La trame de l'histoire
Le récit se situe au début du règne de Louis-Philippe, pendant la "Monarchie de Juillet". Lamiel vit dans un village normand, jeune fille adoptée par un couple de bigots les Hautemare, rêveuse qui aime les histoires d'aventure et de brigands.

Devenue dame de compagnie de la Duchesse de Miossens, elle s'ennuie, s'étiole si bien qu'elle est soignée par le Docteur Sansfin, un homme bizarre, physiquement contrefait et assez cynique qui, en plus de sa médecine, lui inculque sa philosophie de la vie où l'on retrouve le réalisme stendhalien mâtiné d'une dose de rouerie : « Il y a donc doublement à gagner à écouter la voix de la nature et à suivre tous ses caprices : d'abord l'on se donne du plaisir, ce qui est le seul objet pour lequel la race humaine est placée ici-bas ; en second lieu, l'âme fortifiée par le plaisir, qui est son élément véritable, a le courage de n'omettre aucune de ces petites comédies nécessaires à une jeune fille pour gagner la bonne opinion des veilles femmes en crédit dans le village ou le quartier qu'elles habitent. » [3]






 





Anna Karina & JC. Brialy

Ces propos font réfléchir la jeune fille qui, une fois guérie, décide de découvrit l'amour avec un jeune paysan. Mais l'aventure la déçoit. Elle continue avec le fils de la duchesse de Miossens,  puis s’enfuit avec lui avant de l'abandonner pour aller à Paris avec son argent. Dans la capitale, elle rencontre le comte de Nerwinde qui ne lui déplaît pas mais sans plus et ne lui donne pas de plaisir. Sa recherche effrénée de l'amour qu'elle ne trouve toujours pas, ne l’empêche cependant pas de mener joyeuse vie.
   Affiche du film

La quête du bonheur chez Stendhal
« Le bonheur chez Stendhal n’est pas une idéologie, il est la vie même, ou plutôt ce que la vie devrait être » commentait l'acteur Charles Berling. Stendhal a une philosophie de la vie bien à lui, qui transparait dans la volonté d'Amiel de connaître le bonheur, comme d'ailleurs Stendhal l'a toujours cherché dans l'image de toutes les femmes qu'il a aimées, écrivant dans son Journal qu'il faut « regarder la vie comme un bal masqué où le prince ne s’offense pas d’être croisé par le perruquier en domino. » 

Léon Blum aborde ce sujet dans son essai Stendhal et le Beylisme, tente de traduire ce qu'est pour Stendhal sa "méthode pratique du bonheur". D'abord, prendre la mesure de sa nature, évacuer toute référence à la religion ou à la morale courante, la route vers le bonheur peut s'ouvrir à force de lucidité et de courage; il faut oser. « Stendhal part... des philosophies qui expliquent toute connaissance par les sens et réduisent toute réalité à la matière » mais va au-delà des considérations matérielles et sensuelles, (« de la médiocrité du réel ») au-delà des sens, cherchant un état de l'âme dont seuls l'amour et l'art peuvent donner une idée.

Dans De l'amour, il rapporte une conversation avec Ghita Gherardi où écrit-il « il y a des moments de bonheur divin tels que peut-être rien au monde ne peut leur être comparés...   » Et quand enfin l'âme s'apaise, il reste après ce tumulte, la certitude que « je trouverai auprès de lui un bonheur que lui seul au monde peut me donner. »

Les amours de Stendhal : 3 femmes qu'il a aimées       

Mina de Griesheim (1786-1861) ; Victorine Mounier (1783-1822) ; Giulia Rinieri de' Rocchi (1810-1876).
Mina de Griesheim  -----------  Victorine Mounier  ----------    Gulia Rinieri de Rocchi

Notes et références
[1] Voir André Doyon et Yves du Parc, De Mélanie à Lamiel, Editions du Grand Chêne, Aran, 1972
[2] Jacques Laurent (alias Cecil Saint-Laurent) a écrit le scénario du film "Lamiel" de Jean Aurel avec comme acteurs principaux Anna Karina (Lamiel), Jean-Claude Brialy (le comte d'Aubigné), Michel Bouquet (le docteur Sansfin) et Robert Hossein (Roger Valber)
Voir aussi son roman "La fin de Lamiel" paru chez  Julliard, 1966 ainsi que son essai "Stendhal comme Stendhal" paru chez Grasset, 1984
[3] Stendhal avait envisagé de faire du personnage de Sansfin le héros d'un autre roman se passant à la même époque, type de l'ambitieux sans scrupules - Voir  Anne-Marie Meininger, Préface à Lamiel, Gallimard, 1983, collection Folio.

Voir l'ensemble de mes fiches sur Stendhal :
* Stendhal, « Un européen absolu »
* Stendhal et La découverte de l'Italie  --  Stendhal et La campagne de Russie -- 
* Stendhal : Armance -- Stendhal : Lamiel  --  Stendhal : Lucien Leuwen
* Stendhal consul à Civitavecchia  --  Stendhal : Mémoires d'un touriste
* Vie de Henri Brulard  --  Stendhal à Lyon, C. Broussas 


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