Alice Munro en 2009 lors de la remise du Man Booker international
alors qu'elle vient de recevoir le Man Booker International
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Celle qu’on a surnommée « la souveraine de l'art de la nouvelle contemporaine », et qui s’appelle alors Alice Ann Laidlaw est née en juillet 1931, à Wingham, petite ville proche du lac Huron dans l’Ontario canadien, fille d'un éleveur de visons et d'une institutrice. Sa mère a sans doute largement guidé le choix qui va conduire la jeune fille vers la littérature. Elle a tout juste 19 ans quand elle publie sa première nouvelle, Les Dimensions d'une ombre.
Encore étudiante à l'université de Western Ontario, elle exerce différents petits boulots, serveuse, cueilleuse de tabac, aide-bibliothécaire et se mariera en 1951 avec James Munro qui lui donnera quatre filles dont une qui mourra à la naissance. [1]
Quelques événements notables ont rythmés sa vie : existence dont on sait peu de choses dans son village natal près des rives du lac Huron dans l’Ontario, la mère trop vite disparue et le père plutôt violent, le désir de partir, de fuir un quotidien sans relief pour mieux se retrouver, ces femmes qui plaquent tout « par usure ou par hasard peut-être », dont elle se demande si elles parviendront à « prendre en charge leur propre vie » , thèmes qu’on retrouve souvent dans ses nouvelles.
Alice Munro, en 2009, alors qu'elle vient de recevoir le Man Booker International.
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Alice Munro, en 2009, alors qu'elle vient de recevoir le Man Booker International.
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Alice Munro en 2002
Elle rencontre l’amour qui la mène à l’autre bout du Canada dans la ville de Victoria en Colombie-Britannique où elle ouvre avec son mari une librairie qui deviendra célèbre, Munros Books. Des années heureuses suivies d’une période compliquée ponctuée d’un divorce, d’un remariage avec Gerald Fremlin et d’un difficile retour au pays natal.
Alice Munro s’est fait connaître par ses nouvelles ancrées dans la vie des campagnes de sa région natale l'Ontario. Elle tente de donner un sens aux événements qui s’y déroulent et c’est sans doute pour cette raison qu’on a parfois évoqué Tchekov à son sujet.
Malgré son succès grandissant et les nombreux prix littéraires qu’elle a remportés, elle s’est toujours voulue discrète, influencée sans doute par son milieu puritain, décrivant à son image des femmes simples dans leur environnement quotidien, se mouvant dans des paysages qu’elle connaît bien où dominent lacs et rochers, la neige et la prépondérance de l’eau, qui sont en contrepoint à l’image des paysages intérieures de ses héroïnes. « Petites gens, grands sentiments » a commenté le comité Nobel.
Elle passe comme étant plutôt sauvage, fuyant le plus possible vie publique et mondanités, « parce qu'on éprouve, dit-elle, une sorte d'épuisement et de perplexité à regarder et à commenter mon œuvre. C'est pourquoi je ne m'affiche pas en public comme écrivain, je ne me vois pas faire ça, ce serait une vaste fumisterie. »
La nouvelle n’est pas vraiment un genre littéraire très prisé et Alice Munro elle-même s’en amuse dans son recueil Trop de bonheur écrivant avec malice : « Un recueil de nouvelles ? Voilà qui en soi est déjà une déception. L'autorité du livre en paraît diminuée, cela fait passer l'auteur pour quelqu'un qui s'attarde à l'entrée de la littérature, au lieu d'être bien installé à l'intérieur » L’auto dérision dont elle fait preuve ici transparaît aussi dans ses textes, depuis qu’elle a rencontré le succès en 1968 avec son recueil La Danse des ombres heureuses. [2]
Alice Munro honorée chez elle à Wingham dans l'Ontario en juillet 2002
Ce qui frappe maintenant dans son expression après toutes ces années, dans les photos récents, ce sont ses cheveux blancs bouclés sous des chapeaux cloche et son doux regard bleu, apparence qui contraste avec son souci de traiter l’essentiel à travers des trames assez simples, des personnages aux parcours compliqués faits de la douleur d’un deuil, d’un désamour, de la jalousie ou de la violence.
Dans Fugitives parue en français en 2008, Carla son héroïne constate à ses dépens qu’on ne façonne pas facilement son destin, que les événements peuvent lui jouer des tours. Paniquée, elle fuit mari et amis pour recommencer à zéro, mais même si Clark est physiquement absent, il est malgré tout toujours présent quelque part. « Et quand elle aurait fini de fuir, quand elle continuerait simplement d’exister, par quoi le remplacerait-elle ? Quoi d'autre – qui d'autre – pourrait jamais lui poser un défi si éclatant ? »
On touche là le thème central de son œuvre, fuir malgré tout, malgré l’entourage et sa réprobation, fuir pour mieux de découvrir, partir à la conquête de soi-même, ponctué de ses mythes favoris comme Orphée et Déméter, et la référence à des auteurs comme Tennyson ou Shakespeare.
Avec sa fille Sheila en 1954 à Victoria -- "Chez elle" sur le bord du lac Huron
Notes et références
[1] De son mariage avec James Munro en 1951, elle aura trois filles Sheila, Jenny, and Andrea.
[2] Recueil paru en français chez Rivages en 2002, prix du Gouverneur général
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