mercredi 25 janvier 2023

Le sapin de Noël II

                           

Cet été là fut particulièrement chaud. Et surtout très long. Le sapin de Noël que Marie-Noël avait replanté au fond du jardin avait soif mais aucune goutte d’eau ne venait étancher cette soif : ses branches pendaient comme si elles voulaient rejoindre le sol pour y puiser un peu de fraîcheur. Déjà deux mois, oui pratiquement deux mois que le soleil dardait du matin au soir, écrasant les plantes et les hommes, torturant le vivant de ses rayons impitoyables.
Son beau sapin de Noël avait l’impression que sa Marie-Noël chérie l’avait abandonné à son triste sort.

Mais il n’en était rien.
- Maman, tu as vu, mon beau sapin a triste mine. J’ai peur que sans mon aide, il ne succombe sous le poids de cette chaleur excessive.
- Que veux-tu, lui répondit sa mère, nous aussi nous en souffrons. On ne peut que prendre son mal en patience et espérer des temps meilleurs.
Le soir, à la fraîcheur toute relative, Marie-Noël allait lui parler, ratissait les aiguilles mortes qui tombaient par poignées, l’aspergeait un peu avec son petit pulvérisateur. Mais rien n’y faisait : il continuait de dépérir.

Marie-Noël se décida alors à employer les grands moyens. Un soir, d’un air décidé, elle empoigna une pioche, creusa la terre en forme d’assiette tout autour de son sapin et l’arrosa copieusement. Comme elle avait vu faire son père, elle creusa quelques cavités tout autour de l'assiette pour y insérer des boîtes de conserve servant à arroser la terre en profondeur. Avec patience, elle renouvela l’arrosage tout l’été, jusqu’à la mi-septembre quand enfin le soleil consentit à décliner et que les nuits devinrent un peu plus fraîches.

Lassées de cette chaleur suffocante,  Marie-Noël et sa mère partirent passer une semaine chez les grands-parents en Savoie. Elles furent enchantées de leur séjour, purent enfin respirer, humer la bonne odeur de résine dee épicéas et bien dormir la nuit.

Dans la vaste sapinière, derrière la maison, les résineux étaient encore bien verts et à cette altitude, supportaient sans trop de problèmes la situation. La veille du départ, une idée lui vint. Près de la clairière, plusieurs repousses s'étaient développées près d’un sous bois. Elle y préleva un tout petit épicéa de quelques centimètres qu’elle plaça pour le voyage dans un pot de verre tapissé d’un bout de coton imbibé d’une eau légèrement sucrée.
- Ainsi, s’il reprend dans le jardin, mon sapin aura un petit compagnon et j’espère que de cette façon, il ne s’ennuiera plus.


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Quelle terrible surprise attendait Marie-Noël quand elle revint en Savoie quelque deux mois plus tard pour un week-end. La belle sapinière qu’elle avait tant admiré, faisait triste figure. Le tapis vert des conifères était maintenant ponctué de taches marron qui indiquaient l’étendue du mal qui les rongeait.

- Oh mon dieu mais que se passe-t-il ici, pourquoi vois-je maintenant tant d’arbres malades alors qu’ils étaient encore si beaux en septembre ? Je n’en crois pas mes yeux !

- Que veux-tu, répondit sa mère, c’est le prix à payer aux problèmes climatiques actuels. Et apparemment, on ne sait pas quoi faire.
Selon ce qu’avait lu Marie-Noël sur internet, le coupable était un gros ver blanc qui,profitant des effets de la canicule, proliférait et s’attaquait  au cœur des arbres, les grignotant jusqu’à l’aubier. Des méchants guidés par Satan avaient envoyé ces gros vers sucer la sève des résineux qui perdaient leurs forces, leur écorce se détachant en larges lamelles qui se détachaient peu à peu du tronc. 

Marie-Noël, petite fille fort impressionnable, refit des cauchemars comme au temps où son beau sapin de Noël avait failli succomber à la chaleur de la maison. Elle rumina si bien plusieurs jours qu’elle en conclut qu’il fallait créer une association pour sauver les conifères d’une mort prématurée.
- Les sapins ont eux aussi le droit à la retraite, dit-elle à sa mère, qui leva les yeux au ciel et haussa les épaules sans daigner lui répondre.

Devant l’urgence de la situation, elle prit sa plus belle plume pour écrire au Père Noël  et lui demander son aide.
- Oh cher Père Noël, cette année je ne veux rien, aucun jouet, aucune gâterie, rien pour moi-même. Ma requête pourra vous paraître bizarre, très inhabituelle mais c’est vraiment une question de vie ou de mort. Ici, beaucoup d’arbres sont atteints d’un mal terrible qui les condamne tous à terme.
Je ne peux supporter plus longtemps de voir tous ces beaux arbres dépérir et mourir les uns après les autres. Que seraient les majestueuses montagnes savoyardes sans ses belles forêts de résineux ? C’est pourquoi je vous adresse cet appel et vous supplie d’user de vos pouvoirs pour guérir tous ces arbres comme le roi d’un seul geste guérissait jadis les écrouelles.

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Et le plus extraordinaire, c’est que sa prière fut entendue et le message transmis jusque dans la tanière du Père Noël, quelque part dans la Laponie finlandaise.

Effectivement, le Père Noël fut très ému par cette lettre au ton si inhabituel, d'une petite fille qui semblait si désarmée face à cette calamité qui affectait son petit coin de France et sans doute aussi la planète terre.
- Oh, s'exclama-t-il à la lecture de la supplique de Marie-Noël, cette intervention ne fait pas vraiment partie de mes compétences mais il faut absolument que je trouve une solution. Elle a tellement confiance en moi que je serais si malheureux de la décevoir.

Par une nuit de Noël particulièrement froide, on vit dans le ciel savoyard au-dessus de la forêt, un traîneau bien connu conduit par le Père Noël en personne. À ses côtés, se tenait une fée bien reconnaissable à sa longue tenue bleue, son voile et son grand chapeau pointu, qui agitait sa baguette magique comme un prêtre son goupillon.

Sa baguette fluorescente lançait des étincelles multicolores sur les arbres les plus atteints qui reverdissaient immédiatement dans un crépitement joyeux digne d’un son et lumière. Bientôt, il ne resta dans la forêt plus aucun arbre de cette couleur marron qui ne seyait pas à ce paysage.

Marie-Noël n'en croyait ses yeux.
- Oh, regarde maman, regarde, mes vœux ont été exaucés... il m'a entendu... il m'a entendu... c'est mon plus beau cadeau de Noël !

Puis quelques flocons de neige voletèrent dans un ciel pur d’hiver, suivis par d’autres toujours plus gros et plus nombreux. Dans cette immensité blanche ponctuée d’une multitude de points verts, on se serait cru dans la taïga à quelques arpents de Rovaniemi le village du Père Noël, reparti en hâte chez lui préparer tous les cadeaux à livrer le jour fatidique.
Et Marie-Noël aussi avait des étoiles dans les yeux.

     
Forêt savoyarde en hiver et en été

Voir aussi : Circé et le loup -- Quatrains de Noël -- Poème Noël 2022 --

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